Notes de
production Aloïs Nebel
A cheval sur deux périodes, 1945 et 1989, le film s'articule autour de deux évènements marquants de l'histoire tchèque récente : l'expulsion des Allemands des Sudètes (1945) et la Révolution de velours (1989).
Depuis des siècles, les régions frontalières de la Tchécoslovaquie, appelées Les Sudètes, étaient peuplées par une minorité allemande. En 1945, après la défaite allemande, ces populations sudètes sont chassées manu militari. Leurs biens sont confisqués, en échange de quoi, l'Etat tchèque renonce à réclamer des dommages de guerre l'Allemagne. On estime qu'environ trois millions de personnes ont ainsi été expulsées et spoliées. La région est encore hantée par ce traumatisme, que la société tchèque n'a toujours pas digéré.
A l'automne 1989, le régime communiste s'effrite en Tchécoslovaquie. A partir du 16 novembre, les manifestations pacifiques s'enchaînent et un mois suffit à renverser le régime. Alexandre Dub?ek est nommé président de l'assemblée fédérale le 28 décembre. Le lendemain, Vaclav Havel, célèbre dramaturge, sorti de prison quelques semaines plus tôt et qui avait pris la tête des manifestations, est nommé Président de la République Tchèque. Contrairement au Printemps de Prague, ce bouleversement s'effectuera en douceur, sans que le sang ne soit versé, d'où son surnom de “Révolution de velours”.
Aloïs, le chef de gare
Le personnage d'Aloïs Nebel a été inspiré à son auteur, l'écrivain Jaroslav Rudiš, par son grand-père : “Il s'appelait Aloïs et a travaillé comme cheminot dans la région des Sudètes. Il a vécu à la fois l'occupation nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale et l'expulsion des Allemands sudètes en 1945. Il m'a inspiré ce héros taciturne et solitaire, ce chef de gare qui devient fou à cause de ce passé qui le hante, au point de lui inspirer des visions récurrentes de drames liés à ces expulsions.”
Aloïs Nebel, dans le brouillard
Son nom de famille, Nebel, signifie brouillard en allemand. L'auteur explique : “J'ai choisi de l'appeler ainsi, d'abord parce qu'il vit dans une région brumeuse, où le brouillard le dispute au mauvais temps. La pluie, l'orage, l'humidité sont quotidiens. Dans sa tête aussi, c'est le flou qui domine. Le flou des souvenirs, des secrets enfouis mais toujours douloureux. Il ressasse de vieux horaires de train, comme il ressasse le passé et son enfance. De façon confuse et embrumée.”
Aloïs Nebel, héros de bande dessinée
Au départ, Aloïs Nebel est le personnage principal d'une BD éponyme en trois volumes. Chacun porte le nom d'une station de train. Le premier paraît en 2003, sous le nom “Bílý Potok”. Les suivants paraissent à un an d'intervalle : “Central Station” en 2004 et “Zlate Hory” en 2005. En 2006, la trilogie ressort en un seul volume intitulé “Aloïs Nebel”. Selon l'auteur, Jaroslav Rudiš : “La BD est un moyen efficace d'aborder des thèmes historiques et douloureux. Il y a, en Europe de l'Est, une tendance à faire de la BD humaniste, quasi documentaire. Le dessin de Jaromír 99, en noir et blanc, est très cru, presque brutal. Mais c'est pour faire exister des personnages tout en nuances.” Le dessinateur s'est inspiré des années cinquante, de l'esthétisme du réalisme socialiste et des motifs des collages typiques de l'art folklorique encore très présent.
De la BD au cinéma
Le dessinateur, Jaromír 99, explique les changements que nécessitait cette transition : “Il a fallu résumer trois tomes en un et surtout se passer de la voix intérieure du héros, qui nous permettait d'expliquer les situations. Pour garder l'originalité de la BD, nous avons choisi la rotoscopie, une technique d'animation utilisée depuis 1915, qui consiste à dessiner sur une image préalablement tournée. Donc le tournage se déroule comme pour n'importe quel film, avec des acteurs, dans de vrais décors. Puis les plans sont retravaillés de telle sorte qu'on dirait des dessins faits à la main, mais avec l'avantage qu'ils respectent la fluidité des mouvements et conservent les expressions des visages des acteurs.”
La rotoscopie
La rotoscopie est une technique cinématographique qui consiste à relever image par image les contours d'une figure filmée en prise de vue réelle pour en transcrire la forme et les actions dans un film d'animation.
Ce procédé permet de reproduire avec réalisme la dynamique des mouvements des sujets filmés. Les premiers films utilisant cette technique datent de la fin du XIXème, début du XXème siècle. Le procédé a été perfectionné et breveté sous le nom de Rotoscope en 1915 par les producteurs et réalisateurs américains Dave et Max Fleischer, à l'occasion de la production de leur série “Out of the Inkwell”.
Quelques films ayant eu recours à la rotoscopie
- “Blanche-Neige et les Sept Nains”, Disney, 1937
- “La Belle au bois dormant”, Disney, 1958
- “Le Bon, la Brute et le Truand” (générique) de Sergio Leone, 1966
- “Seigneur des Anneaux” de Ralph Bakshi, 1978
- “Tron”, Disney, 1982
- “Qui veut la peau de Roger Rabbit” de Robert Zemeckis, 1988
- “Alien 3” de David Fincher, 1992
- “La Belle et la Bête”, Disney, 1992
- “Aladdin”, Disney, 1993
- “Pocahontas”, Disney, 1995
- “A Scanner Darkly” de Richard Linklater, 2006