Imaginez une ville où les gens n’ont plus goût à rien, au point que la boutique
la plus florissante est celle où on vend poisons et cordes pour se pendre.
Mais la patronne vient d’accoucher d’un enfant qui est la joie de vivre incarnée.
Au magasin des suicides, le ver est dans le fruit…
Avec : Bernard Alane, Isabelle Spade
Fiche complèteLe magasin des suicides
Réalisateur : Patrice Leconte
Sortie en salle : 26-09-2012
Avec :
Bernard Alane, Isabelle Spade
Voir tous les acteurs
Bande annonce
- 85 min
- Belgique, Canada, France
- 2012
- 1.85
- SRD/5.1
- Visa n°123.969
Synopsis
Imaginez une ville où les gens n’ont plus goût à rien, au point que la boutique
la plus florissante est celle où on vend poisons et cordes pour se pendre.
Mais la patronne vient d’accoucher d’un enfant qui est la joie de vivre incarnée.
Au magasin des suicides, le ver est dans le fruit…
Pourquoi revoir ce film ?
L'entrée remarquée d'un des rois de la comédie française (Patrice Leconte) dans l'univers de l'animation.
L'adaptation du plus grand succès de Jean Teulé, traduit dans une quinzaine de langues.
Critiques presse
Un film joyeusement noir, une réussite : Le Figaro
Une petite pépite dans la morosité ambiante : Europe 1
Longue vie à ce dessin animé... à la fois décalé, audacieux et plein d'allant ! : Le Figaro Magazine
Tim Burton aurait des raisons d’être jaloux : Le Point
Vous risquez de mourir de rire ! : Tout le Cine
Crédits du film : (c) 2012 Diabolo Films, La Petite Reine, ARP, France 3 Cinéma, PCF Magasin des Suicides Inc., Entre Chien et Loup, RTBF
-
Fiche artistique
Mishima Bernard Alane
Lucrèce Isabelle Spade
Alan Kacey Mottet Klein
Marilyn Isabelle Giami
Vincent Laurent Gendron
Fiche techniqueRéalisation Patrice Leconte
Scénario & dialogues Patrice Leconte
D'après le roman de Jean Teulé
Publié aux Editions Julliard
Direction artistique et conception graphique Régis Vidal
Musique originale Etienne Perruchon
Montage Rodolphe Ploquin
Mixage Thomas Gauder
Producteurs associés Emmanuel Montamat
Produit par Gilles Podesta
France Diabolo Films
Canada Caramel Films
Belgique Entre chien et loup
Avec le soutien de Eurimages
Avec le soutien de La Région Wallonne
Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Avec la participation de Téléfilm Canada
Société de développement des entreprises culturelles - Québec
Dans le cadre du Pôle Image Magélis
Avec le soutien du Département de la Charente
En partenariat avec Centre National du Cinéma et de l'Image Animée
Avec la participation du Fonds d'Action Sacem
-
-
Patrice
LeconteVous aviez lu le roman de Jean Teulé à sa sortie ?Je lis tout ce qu'il écrit, systématiquement, comme je le fais pour d’autres auteurs que j’aime, Jean Echenoz, Douglas Kennedy, Patrick Modiano... J'ai donc lu “Le Magasin des Suicides” dès sa parution. J'ai trouvé que c'était un livre hirsute, biscornu. Sa fantaisie, sa liberté m'ont enchanté. A cette époque, j'avais été approché pour faire une adaptation du livre et j'avais refusé parce que ce roman me semblait parfaitement inadaptable. Comment recréer, dans un film en prise de vues réelles, avec de vrais acteurs, un univers aussi bizarre et décalé ? Cela me paraissait inenvisageable. A moins d’être Tim Burton, ce que je ne suis pas, hélas.Et puis, quelques années plus tard, un coup de téléphone a tout changé...Il y a presque quatre ans, mon téléphone a sonné (il sonne une fois tous les 4 ans). Au bout du fil, un inconnu, Gilles Podesta. Par principe, je ne refuse jamais d'aller boire un café à l’œil avec un type qui a quelque chose à me proposer. Il m’a raconté qu'il avait une option sur “Le Magasin des Suicides”, je l'ai interrompu aussitôt en expliquant qu’on m’avait déjà proposé ce projet et que j’avais décliné cette proposition. Alors il a dit : “Mais vous ne m'avez pas laissé finir ma phrase, c'est pour en faire un film d'animation”. Et là, cela a été comme une évidence. Cela se passe comme ça parfois, le déclic vient de l’extérieur. Quelqu’un vous prend par la main et vous dit la chose qui vous manquait pour prendre la bonne décision. Quand Gilles Podesta a dit le mot magique “animation”, tout s’est illuminé ! Parce qu'avec l'animation, on n'est plus dans la vraie vie, on est ailleurs, dans un univers décalé, un monde recomposé, donc des choses folles, bizarres, hirsutes. L'animation n'est pas naturaliste, on est dans un monde de fantaisie ! En plus, ça tombait on ne peut mieux, car je venais d'apprendre que le film que je m'apprêtais à tourner n'allait pas se faire, j'étais donc libre, vacant, limite désœuvré. J'étais donc enchanté et, après 48 secondes de réflexion, je lui ai dit : “Je suis d'accord et je suis libre, je m'y mets cet après-midi si vous voulez...”
Et l'idée d'en faire un film d'animation musical ?J'ai pensé tout de suite que cette fantaisie devait être musicale. C'est une vieille envie, celle de faire un film musical. Le projet s'y prêtait parce que ça me permettait de faire un film très noir et très joyeux. Quand vous avez un type désespéré qui, juste avant de prendre du poison, vous chante une chanson d’adieu, c'est tout de suite sinistrement joyeux. La musique et l'animation ensemble permettent davantage de liberté, l’incorrection passe tout de suite mieux. Ce père énervé contre son gosse de sept ans et qui lui propose de se mettre à fumer, dans l’espoir qu’il attrape un cancer du poumon, dans un vrai film avec de bons acteurs, ce serait absolument insupportable ! Là, ça passe car on n'est pas dans la vraie vie mais dans un autre monde.C'est un univers qui vous était un peu familier puisque vous avez travaillé dans la bande dessinée...J'étais un avide lecteur de bandes dessinées dans ma jeunesse. En fait, j'ai toujours aimé dessiner, en autodidacte. Adolescent, je faisais des petits court- métrages d'animation avec du papier découpé. Comme j'étais un provincial qui rêvait de cinéma, je suis monté à Paris. Après avoir fait une école de cinéma, j’ai dessiné durant cinq ans pour le magazine Pilote. Je faisais à la fois les dessins et les scénarios. La BD, j'ai un peu lâché prise, il y en a tellement, j'ai du mal à suivre. Mais j'adore le cinéma d'animation. Les “Wallace et Gromit” m'enchantent. Je trouve que le scénario de “Monstres et Cie”, de chez Pixar, devrait être enseigné dans les écoles. J'admire “Valse avec Bachir”, qui ose l'animation dans un univers carrément adulte. Et puis LA référence, presque encombrante, le chef d’œuvre absolu, c'est pour moi “L'Etrange Noël de Monsieur Jack” qui est d'une invention étourdissante. Malgré cette in- fluence écrasante, j'ai voulu faire un film animé et musical, subversif et familial, pas politiquement correct, mais populaire et accessible à tous.Jean Teulé dit qu'il était certain que vous changeriez la fin de son roman...C'est étrange car, à la lecture, cela m'avait paru cohérent. Mais en relisant le roman dans l'optique d'une adaptation, cette fin m'a semblé être une énormité. C'était d'ailleurs un peu incohérent, ce gamin qui durant tout le livre part en guerre contre le suicide et qui change de camp à la fin. Même dans un film d'animation, j'ai pensé qu'on ne pouvait pas lâcher le spectateur en lui montrant un gamin qui se fout en l’air ! D'où, sans doute en réaction, l'envie d'aller à fond dans le positif. Du coup j'ai eu l'idée d'une fin quasiment kitsch d’optimisme, qui en devient presque ironique, tellement ce bonheur dégouline sur les murs, comme une espèce de guimauve joyeuse et navrante.
Puisque c'est un film d'animation, vous avez dû expliquer à l'équipe qui a dessiné les personnages comment vous les imaginiez. Vous souvenez-vous des mots que vous avez utilisés pour les décrire ?Mishima Tuvache, le père, est un homme très avenant, avec une fine moustache et un physique de garçon coiffeur. Sa femme est pomponnée, toujours bien coiffée avec les cheveux choucroutés, le rouge à lèvres nickel. Ils sont accueillants comme de vrais bons commerçants, toujours tirés à quatre épingles et je suis sûr qu'ils sentent bons. Quant aux enfants, Vincent est une espèce de nouille, une algue qui marche comme une parenthèse molle, avec la paupière lourde et le goût à rien. Marilyn, elle, est une ado gothique qui se trouve moche, qui a quelques kilos en trop et qui ne sait pas encore qu'elle peut être séduisante, mais cela va changer... On type les personnages par leurs défauts et, tout de suite, cela les rend évocateurs. Le plus difficile à trouver c'était Alan parce que, chez lui, tout est positif et joyeux. Il ne fallait pas qu'il ait l'air d'une publicité pour un yaourt, ni qu'il soit trop caricatural genre titi parisien, mais il devait être original et frondeur. Et c'est son optimisme sponta- né qui a inspiré son personnage : un grand sourire posé sur un corps fluet.
Malgré tous leurs défauts, on sent bien que vous aimez beaucoup les Tuvache...C'est pour ça que Mishima va voir un psy, ça le rachète un peu. Si ce couple n'avait pas de failles, de doutes, de faiblesses, il serait odieux ! Lui craque et elle, tout ça finit par lui peser aussi. C'est une gentille, elle fait son boulot de commerçante avec efficacité. Elle serait formidable dans une entreprise de pompes funèbres. Elle veut faire du bien à ses clients, elle les aide à mettre un terme à leurs soucis...On trouve aussi des rats qui ont une fonction bien particulière...Les rats sont le chœur antique qui commente l’action et vient ponctuer un instant dramatique, en nous montrant que la vie des rats est parfois plus enviable que celles des humains dans cette ville sinistre.Comment avez-vous procédé pour imaginer la ville et le magasin ?Quand j'ai rencontré pour un premier rendez-vous de travail Régis et Florian, qui sont responsables de la direction artistique, ils avaient déjà des idées à me proposer. Ils avaient imaginé une ville totalement futuriste et très colorée, avec le magasin comme un lieu gris et angoissant. Je leur ai demandé de faire exactement le contraire. Une ville qui ne soit pas typée dans le temps, mais qui soit terne et sinistre, un croisement entre le treizième arrondissement de Paris et la Corée du Nord. Bref, un monde plutôt désespérant dont l'unique oasis, la seule tache colo- rée, soit le magasin.
Dans la ville, les façades sont austères et hautes, donc le soleil n'entre jamais dans les rues. Je reconnais que ça n'est pas très pimpant. Je ne voulais surtout pas d'un look à la Orwell, du style “C'est dans vingt ans et, attention, c'est presque bientôt comme ça chez nous.”. Je tenais à ce que la ville nous soit familière, afin que les spectateurs puissent facilement s'identifier. Le magasin devait être pimpant, comme un magasin de farces et attrapes, ou une mercerie à la Bastille, multicolore et rempli d'une foule d'articles appétissants. Dehors, c'est sinistre, mais dedans on est bien !
Quant aux clients, vu que l'animation, dès qu’il y a du monde, c'est une tannée, le magasin n'est jamais bondé. Mais il y a Monsieur Calmel, par exemple, qui habite tout en haut d'un immeuble et qui ressemble à un résidu d'épluchure. Il n’y a pas de quoi se fendre la pêche à son sujet (un débris qui veut en finir), mais c’est tellement énorme que c’est drôle malgré tout.
Ce qui saute aux yeux quand on voit le film, c'est la mise en scène. Vous vous êtes bien amusé.C’était très plaisant à faire. Comme pour un vrai film, on décide du découpage et des cadres, mais là tout est plus facile, on peut se permettre des trucs qui sont chers dans le cinéma traditionnel et qui, là, ne coûtent pas un rond. Par exemple, pour avoir un point de vue vertical de l’impasse sous la pluie au fond de laquelle on découvre le magasin brillant de tous ses feux. Dans un vrai film, on doit tourner avec une grue ahurissante, donc il faut demander une autorisation préfectorale, installer la fausse pluie, tourner de nuit... C'est lourd, cher et compliqué. Tandis que là, on dessine et c'est bon, on n'a enquiquiné personne !
En revanche, il ne faut pas se laisser griser et en faire trop. Il faut s'en tenir scrupuleusement à l'histoire qu'on veut raconter et rester crédible. Mais à l'intérieur de chaque plan, Régis et Florian ont glissé une foule de détails qu'on a du mal à voir tellement il y en a et tellement ça va vite. J'en découvre encore aujourd'hui quand on s'arrête sur une image. Car le film va vite. Il dure moins de quatre vingt dix minutes. Les films d’animation sont toujours assez courts. C'est sans doute parce qu'au départ ils étaient destinés à un public d'enfants. On fait court pour ne pas lasser leur attention. Je suis ravi parce que c'est une durée qui m’a toujours convenu.
Pour revenir à la mise en scène, en animation, votre travail est quasiment le même ?Oui, quasiment : on écrit le scénario, on choisit les acteurs, on les dirige, on fait le découpage, les cadres, la mise en scène, on choisit les décors, les costumes, les lumières, on s’occupe du montage, du son, du mixage, c’est donc exactement comme pour un film “normal”, sauf qu’on ne tourne pas. On évite donc les incertitudes de la météo, la cantine, la fatigue, les caprices d’acteurs, les nuits… L'étape la plus importante, et peut-être la plus frustrante, c'est l'animatic. C'est une sorte de story-board qui bouge. C'est là qu'on “voit” le premier brouillon du film. C'est cela la grande différence avec un film en prises de vue réelles : au tournage, on tourne un plan et le plan est là, comme on l’avait en tête, alors on peut passer au suivant... Tandis qu'à l'animatic, on ne voit que des intentions. Et il faut avoir une imagination débordante pour voir ce que cela peut donner. On choisit ce qu'il faut enlever ou ajouter, on rabote, on accélère, on définit mieux l'ensemble. A cette étape, on est encore très peu nombreux. Mais une fois l'animatic validé, ça part en fabrication dans des ateliers avec de grosses équipes pour passer du brouillon au film. C'est comme si on avait tout ratu- ré, annoté et que ça partait se faire recopier au propre. Et là ça prend deux ans... J'ai trouvé le processus très long. Normal, mais super long. Heureusement, entre temps, j'ai fait un film, une pièce de théâtre et j'ai écrit un roman...Comment avez-vous travaillé les chansons ?J'avais déjà écrit des chansons et même toute une opérette avec Etienne Perruchon, donc je savais qu'il serait l'homme de la situation. Il sait composer des musiques intemporelles, qui collent à ce que le film raconte. Il a de l'humour, on rit des mêmes choses. C'est un collaborateur parfait ! Quand j'ai écrit le scénario, au départ, j'ai juste indiqué où seraient les chansons et ce que chacune devait raconter. Une fois le scénario terminé et validé, je me suis attelé aux paroles, et là j'ai commencé à échanger avec Etienne. On a fait des allers et retours, jusqu'à ce qu'on soit satisfait.Vous avez choisi des acteurs sachant chanter, plutôt que l'inverse...J'ai choisi des acteurs pas forcément connus du grand public, mais que je connais bien, que j'apprécie beaucoup, qui savent jouer avec fantaisie, vivacité, précision et qui savent aussi chanter. Prendre des acteurs connus, je trouve que cela perturbe l’image. L’oreille et l’œil ne vont pas ensemble et du coup on ne voit plus les dessins. Les acteurs sont là pour interpréter de vrais personnages, mais leur voix ne doit pas être trop naturelle. Ils doivent prendre une voix un peu décalée, comme le sont les dessins. Le seul acteur que j'ai choisi à l'oreille, c'est celui qui joue Alan. J'avais repéré sa voix lorsqu'il jouait Gainsbourg jeune dans le film de Johan Sfar. Il est aussi l'enfant dans les deux films magnifiques d'Ursula Meier (“Home” et “L’Enfant d’en haut”). Il a un grain de voix très particulier, qui le rend immédiatement attachant. On doit choisir les voix avant de faire l’animation. Parce que la façon de jouer une phrase, rapide ou lente, triste ou gaie, affo- lée ou détendue, modifie la gestuelle. Donc la voix donne le rythme, le ton. Finalement, on dirige les acteurs d'un film d'animation exactement comme on le ferait pour une pièce radiophonique.
Réaliser un film d'animation, pour vous, c'était comme faire un premier film ?Ah oui, c’était exactement ça ! J'avais l'enthousiasme de la première fois, en découvrant des processus de création que je ne connaissais pas du tout. Il y avait de la fraîcheur, de l'insouciance, de la gaieté à faire des choses dont on ignore quasiment tout. C'est formidable d'aborder un projet en se disant : “Ça, je ne sais pas le faire”, et de le faire quand même. J'ai adoré l'expérience et j'espère refaire un film d'animation très bientôt.Etienne Perruchon dit que votre film est une bombe, et Jean Teulé, une tuerie. Et vous ?C’est très aimable de leur part. Je trouve que c'est un film incorrect et subversif, mais aussi archi poilant. J'espère que j'ai réussi à ne pas être trop sous l'influence de Tim Burton. J'adorerais lui montrer le film un jour... -
Jean Teulé
Comment avez-vous eu l’idée de ce “magasin” ?J'écrivais “Ô Verlaine” qui racontait le dernier automne de ce poète pris en main par la jeunesse estudiantine du quartier latin de l'époque. Plusieurs fois dans mes recherches, j’ai trouvé des références à des collégiens qui avaient écrit un recueil de poésie collective qui s'appelait “Le Magasin des Suicides”. Chaque fois que je tombais dessus je me disais : “Quel putain de titre !” Ces collégiens étaient les gothiques de l'époque et leurs textes, qui demeurent introuvables, étaient sans doute des variations sur le thème de “Ouais, la vie c'est de la merde…”. Mon fils, à l'époque, avait une douzaine d'années et était difficile. Il voyait tout en noir donc je me suis dit : “ Voilà, je prends ce titre et je fais l’inverse. Je crée un monde et une famille sinistres et je mets un gamin heureux là-dedans.”C’était une pause entre deux romans historiques ?Exactement ! Mes romans historiques nécessitent du temps, des recherches. Là, entre “Je, François Villon” et “Le Montespan”, j’avais besoin d’une respiration. J’ai donc décidé d’écrire un petit livre rigolo. C’était une fantaisie, une parenthèse. Et c’est mon livre qui a le mieux marché dans le monde, comme quoi il n’y a pas de justice ! (A ce jour, le roman a été publié dans vingt pays, ndlr) Mon éditeur m’avait dit: “Ce n’est pas une bonne idée d’écrire un roman avec le mot “suicide” dans le titre. C’est répulsif. Les gens ne vont pas te suivre mais si c’est ce dont tu as envie, fais-le.” Il a été le premier à reconnaître son erreur… En fait, le suicide est un sujet universel. Il fallait juste le décaler. D’où le slogan du magasin figurant sur le sac d’emballage qu’on voit en couverture du roman :“Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort ! Maison Tuvache, dix générations dans le suicide.” Ça pose l'ambiance… “Mort ou remboursé” est leur devise. Ce livre, je l’ai conçu dans la joie. Je riais tout seul en l’écrivant.
Comment sont nés les personnages, et notamment leurs noms ?Tuvache, c’est un patronyme formidable qui existe vraiment et que j'avais déjà mis dans “Darling”. Le magasin, situé boulevard Bérégovoy, est tenu par une famille sombre, comme il se doit dans ce type d’établissement. J’ai donc cherché des prénoms en rapport avec le suicide. Mishima pour le père et Lucrèce, comme Borgia, pour la mère qui confectionne des poisons dans l’arrière cuisine. À leurs enfants, ils donnent des prénoms de suicidés célèbres : Marilyn comme Monroe, Vincent comme Van Gogh et enfin Alan comme Alan Turing, l’inventeur de l’ordinateur qui s’est suicidé en mangeant une pomme préalablement trempée dans du cyanure…
Ensuite je me suis amusé avec les clients. Il y a les trop pauvres pour acheter quoi que ce soit, à qui la famille Tuvache offre généreusement un sac à l’effigie du magasin et un bout de scotch à se mettre autour du cou pour qu’ils crèvent en s’étouffant la tête dedans. Les enfants viennent au magasin acheter des Mistral perdants… On y vend des cordes pour se pendre, des poisons aux noms délirants. Et j’ai imaginé qu’un jour les parents Tuvache, qui forcément ne goûtent jamais rien de ce qu'ils vendent parce que sinon ils sont morts, veulent quand même tester un préservatif poreux pour ceux qui veulent mourir par contamination sexuelle. Le préservatif s’avère effectivement poreux car un troisième enfant naît dans cette famille. Mais là, catastrophe, Alan est la joie de vivre sur pattes. Il voit la vie en rose, passe son temps à rire, console les clients, fait donc le désespoir de ses parents : le ver est dans le fruit.
Contrairement au film de Patrice Leconte, dans votre livre, la fin est tragique…Mon éditeur a détesté la fin (je me demande si je ne devrais pas changer d’éditeur…), Miou Miou, ma compagne, était outrée et plein de gens m’ont écrit pour m'insulter : “Vous n'aviez pas le droit de tuer Alan !”, comme s’il existait pour de vrai…
En fait, le débat porte sur l’ultime phrase du livre, où j’écris, parlant d’Alan suspendu dans le vide : “Il ouvre la main.” On peut l’interpréter comme un signe d’espoir : il ouvre la main pour que sa famille le sauve, ou bien au contraire : Alan était un ange venu faire son travail sur terre et il repart. J’ai voulu que cette phrase soit ambigüe. Je tenais à cette fin parce que, dans mon roman, il y a tout sur le suicide sauf l'effet que ça fait quand on l'apprend. Car quand quelqu’un se suicide (j’en ai connu), la plupart du temps on ne voit pas le coup venir. On se dit : “Zut, j’ai déjeuné avec lui la semaine dernière et je n’ai rien deviné.”. Je voulais que dans le roman, après cette dernière phrase, les gens tournent la page pour lire une explication mais rien, pas un mot ! Le silence assourdissant et démerde toi avec ça.
Maintenant, à chaque personne qui adapte le livre, que ce soit au cinéma avec Patrice Leconte, en bande-dessinée, en comédie musicale ou au théâtre, à travers le monde, c’est ma première et unique question : “Est-ce que vous gardez la fin ?” Tous me répondent : “Non”. Mais ça ne me dérange pas. Ma position consiste à leur dire : “Vous avez acheté les droits de ce roman alors ils sont à vous. Faites ce que vous voulez ! De toute façon cela n'enlèvera pas une virgule dans mon livre, alors...” À ce jour, il y a huit adaptations théâtrales à travers le monde. On le joue à Séoul et, depuis mai, il est en tournée en Chine pour cinq ans. La pièce se passe dans le magasin, je suppose. Je ne sais pas. Je ne lis pas les adaptations et je n'emmerde jamais ceux qui m’adaptent. Du coup, tout le monde me trouve très sympathique…
Qu’avez-vous pensé du film ?D’abord, j’adore Patrice Leconte. On s’était déjà rencontrés dans le passé et je lui envoyais régulièrement mes romans. J’aime ses films. Je suis fier que ce soit lui qui ait adapté mon livre au cinéma et en film d’animation en plus ! Quand je suis allé voir le film, je n’étais pas venu juger une adapta- tion. Mon roman, je le connais, je l'ai à la maison. Je suis venu voir le nouveau film de Patrice Leconte et j’ai été soufflé. J'en suis sorti en me disant : “Voilà un film que je n'ai jamais vu !”. Il a eu des idées très gonflées, qui n’étaient pas dans le bouquin : le père qui force son fils à fumer, les gamins qui regardent Marilyn faire un strip-tease, les tests de Rorschach chez le psychiatre… Et puis les chansons sont formidables ! Le film m’a épaté. C’est un film de metteur en scène, foisonnant, qui pétille à chaque image, la caméra est partout aussi, sans doute parce que l’animation offre une plus grande liberté que les prises de vues réelles.
Est-ce que les personnages du film ont le physique que vous aviez imaginé pour vos héros ?Non. Pour moi, Lucrèce ressemblait à Miou-Miou. Mishima, je le voyais comme Jean Pierre Bacri. En revanche, la ville ressemble à ce que j'avais en tête. Les décors sont d'enfer, avec ces corps qui tombent des étages comme de la pluie... Leconte a mis du Trenet dans son film (“Y’a d’la joie”), moi j'avais choisi une autre chanson mais Trenet c’est encore mieux. Le décalage et l’humour sont limpides dès le début. Vraiment, le film est une tuerie… Ce qui tombe bien, vu le titre. -
Etienne
PerruchonVous composez régulièrement la musique des films de Patrice Leconte. Comment travaillez-vous ensemble ?Avec les années, une connivence s’est instaurée, mais surtout, Patrice me connaît, il me fait confian- ce. Donc, travailler avec Patrice Leconte c’est avoir une grande liberté. Par exemple, il ne place jamais de musique temporaire sur ses films pour me montrer ce qu’il souhaite. Et heureusement d’ailleurs, parce qu’à force de monter sur une musique provisoire, le réalisateur finit par avoir beaucoup de mal à la changer et le compositeur risque d’être cantonné à faire du “à la manière de”. Patrice, au contraire, me dit : “Donne moi du Perruchon !” et quand il entend quelque chose qui lui plaît, il le prend et il ne me demande pas de lui faire trois autres versions pour avoir le choix. Il sait reconnaître ce qui colle à son attente. C’est peu fréquent. Patrice est quelqu’un qui aime la musique et qui sait parler au compositeur. Il sait trouver les mots, il sait comment nous motiver. Il sait aussi dire ce qu’il souhaite. Et souvent, déjà dans le scénario, il décrit la musique. Dans “Le Magasin des Suicides”, par exemple, il écrit à un moment : “Et la musique, qui était tonitruante, s’en va sur la pointe des pieds.” Ça, c’est typiquement du Leconte !“Le Magasin des Suicides” est un film très musical, avec plusieurs chansons, donc votre rôle est primordial. Comment avez-vous abordé ce travail ?Sur ce film, il fallait commencer par ce qui servira aux images, c'est-à-dire les chansons, donc très en amont, avant de commencer l’animation. Puis j’ai travaillé sur le score, une fois l’animation faite. Il fallait que score et chansons soient en rapport, que les deux ensemble forment un seul monde : celui du film. Il fallait donc trouver le ton. On est dans celui de l’humour noir léger, un drame qu’on a décalé, comme toute comédie réussie. A la lecture, j’ai pensé que Leconte laissait enfin parler l’humaniste qui sommeille en lui.
Comment définiriez-vous le rôle que doit remplir la musique d’un film ?Selon moi, l’émotion musicale sert à compléter quelque chose en chaque spectateur. Il ne s’agit pas de faire du remplissage à l’image, mais de raconter un sentiment qui vous prend par la main. J’essaye de me placer entre la salle et l’écran, entre l’histoire que le film raconte et le ressenti qu’en aura le spectateur. Je travaille sur le sentiment que le spectateur va retirer de la musique. C’est un peu comme à l’opéra, ce que joue l’orchestre raconte autre chose que ce qui se passe sur scène. Dans le film, j’ai composé neuf chansons, soit neuf thèmes, qui m’ont servi de “fond de sauce” pour composer le score. Il y a un ou deux moments avec des musiques anecdotiques, qui servent d’illustration ponctuelle sur des scènes bien précises. En tout presque une heure dix de musique pour une heure vingt de film…
C’était votre premier travail sur un film d’animation. Qu’est-ce que cela change ?En animation, rien n’est réel, sauf la voix des comédiens. Donc il faut absolument utiliser de vrais instruments pour donner de la réalité au film d’animation. Il faut mettre de la chair dans le son. Donc bannir les synthés…La première chanson, quand on découvre le magasin, est celle de la famille Tuvache.La chanson des Tuvache c’est, comme à l’opéra, le morceau d’ouverture. Celui qui sert à dire :“Voilà, ce sera ça notre univers, à la fois noir et drôle”. Le sentiment d’un humour décalé vient de l’association entre l’image et la musique. Mais la musique elle-même est au premier degré. Les personnages croient à fond à ce qu’ils sont !Concrètement, comment avez-vous travaillé ?Comme je vis à Annecy et Patrice à Paris, concrète- ment, je dirais qu’on travaille… au téléphone. Patrice sachant ce qu’il veut, il écoute les maquettes au téléphone et il me dit tout de suite si je suis sur la bonne voie ou si je m’égare. Il n’est pas obtus, il n’est fermé à rien. Il attend que je lui propose des choses, et il rebondit à partir de là. Par exemple, sur ce film, j’avais décidé d’opter pour un orchestre sans piano. L’orchestre symphonique permet de passer en une seconde de l’intime à l’énorme, tandis que le piano lisse et romantise un peu trop tout. Et puis, le piano c’est compliqué à mixer quand il y a beaucoup de dialogues. Et Patrice était d’accord, sauf pour la scène où Alan est en haut du Vox. A cet endroit-là, il voulait du piano et il avait raison. Alan est seul, face à son destin, le piano seul rend tout limpide. Mais Patrice n’exclut jamais rien d’office. Par exemple, pour Monsieur Tuvache, j’ai mis de l’orgue et du clavecin. Patrice n’est pas du genre à dire : “Ah non, pas de clavecin !”. Il écoute d’abord. Et il a aimé ce côté baroque, décalé et sombre qui résume bien Tuvache : la classe de l’horreur…
Donc, au départ, il y avait les chansons…On est parti du scénario, pour voir exactement où seraient les chansons. Puis j’ai composé à partir des paroles. Il y avait des duos, des trios etc… On a commencé par une première version piano où c’est moi qui chante. Puis on a enregistré les chansons. On a choisi des acteurs sachant chanter et non le contraire. Le jeu d’un acteur nuance sa voix. Un acteur a l’intelligence de son personnage, il peut établir une intention qu’il conserve, quel que soit le moment chanté. Ensuite, on a travaillé avec l’animatic et là c’est comme pour n’importe quel film. On regarde et on décide où on met de la musique et pour quelle raison. Après cet état des lieux je propose : “Quel orchestre, combien de musiciens ?”. Pour ce film j’imaginais un gros orchestre, c’est-à-dire environ quatre vingt musiciens avec les “bois” par trois, beaucoup de percussions etc… Encore une fois, Patrice me fait confiance, il vient d’ailleurs rarement aux enregistrements. Il connaît tout ça, il sait que ça fait quarante ans que j’écris pour des orchestres. Patrice adore découvrir la musique quand tout est fini. Il ne vient pas écouter pour valider, il vient pour découvrir la corbeille de la mariée. Je crois qu’il l’a trouvée belle…
-
-
-
-
Critiques
- Un film joyeusement noir, une réussite
Le Figaro - Une petite pépite dans la morosité ambiante
Europe 1 - Longue vie à ce dessin animé... à la fois décalé, audacieux et plein d'allant !
Le Figaro Magazine - Tim Burton aurait des raisons d’être jaloux
Le Point - Vous risquez de mourir de rire !
Tout le Cine
- Un film joyeusement noir, une réussite
-
Récompenses
-
Festival de Cannes 2012
Cannes Junior -
Festival du film d'animation d'Annecy 2012
Avant-première
-
Festival de Cannes 2012
-
Disponible en DVD
- : 75
- Format image : 1.85
- Son : Dolby 5.1
- Langue : Français
- Sous-titres : Français sourds et malentendants
Bonus :
- Making-of
- Bandes-annonces
Disponible en BLU-RAY- : 79
- Format image : 1.85
- Son : SRD/5.1
- Langue : Français
- Sous-titres : Français sourds et malentendants
Bonus :
- Blu-Ray 3D compatible 2D
- Making-of
- Bandes-annonces
Disponible en VODLe magasin des suicides / VOD
Sortie : le 05-02-2013
- Disponible en téléchargement sur Orange
- Disponible en téléchargement sur Canal Play
- Disponible en téléchargement sur SFR
- Disponible en téléchargement sur UniversCiné
- : 75
-
Science Fiction.
Le CongrèsRobin Wright (qui joue Robin Wright), se voit proposer par la Miramount d’être scannée. Son alias pourra ainsi être libremen... -
Animation
Aloïs Nebel1989. Aloïs Nebel est chef de gare dans une petite station tchèque, non loin de la frontière polonaise. Il vit seul, mais quand le ... -
Animation
BLANCHE NEIGE, LES SOULIERS ROUGES ET LES 7 NAINSDes princes transformés en nains viennent à l’aide d’une princesse dont la beauté est cachée dans ses souliers... -
Animation
Manou à l'école des goélandsC’est l’histoire d’un martinet orphelin, élevé par des goélands.Courageux comme ses parents et astucieux comme ...