Notes de
production We want sex
equality
Genèse du film
“On a du mal à imaginer qu'à l'époque l'usine Ford de Dagenham était quelque chose d'aussi colossal”, nous rappelle le réalisateur Nigel Cole. “C'était la plus grande usine d'Europe, elle faisait vivre près de 55 000 employés qui produisaient jusqu'à 500 000 voitures par an. En 1968, un petit groupe de femmes était employé en tant qu'ouvrières-couturières pour assembler les sièges des voitures. La direction de Ford venait juste de les déclasser sur l'échelle des salaires, en les considérant à tort comme exerçant un travail 'non qualifié'. Elles étaient d'autant plus en colère qu'elles se savaient plus qualifiées que la plupart des hommes qui, eux, n'avaient pas subi ce déclassement salarial.C'est ainsi que la grève a commencé. Celle-ci a pris de plus en plus d'ampleur à partir du moment où, les femmes ne cousant plus les sièges destinés aux voitures, Ford a été contraint d'arrêter la production et des milliers d'ouvriers ont été licenciés. L'affaire s'est transformée en crise nationale.”
“Nous savons comment l'histoire s'est terminée, et avec le recul il est évident que cette grève allait avoir une incidence majeur”, poursuit Nigel Cole.“Mais au moment où elle s'est déroulée, ces femmes ont dû assumer l'énormité de leur responsabilité, surtout après avoir perdu le soutien de leurs maris, de leurs pères ou de leurs enfants, dont la plupart travaillaient aussi à l'usine. Au départ, les hommes les soutenaient, même s'ils ne les prenaient pas très au sérieux, parce qu'aucune femme n'avait jamais fait grève auparavant. A cette époque le travail des femmes était considéré comme moins essentiel que celui tenu par les hommes. Mais, à mesure que les enjeux se sont précisés et que l'emploi des hommes a été menacé, une partie d'entre eux s'est retournée contre les grévistes. Ils considéraient qu'elles feraient mieux de s'effacer, de laisser tomber leurs revendications et de les laisser retourner travailler.”
Sauf qu'à la fin, ce combat a non seulement changé leur statut au sein de l'usine, mais surtout le droit des femmes à travers le pays :“La situation était telle que Barbara Castle, LA femme politique la plus influente à l'époque, est intervenue en leur faveur”,raconte Nigel Cole. “Elle a négocié un accord avec les ouvrières de Dagenham qui s'est ensuite concrétisé par une loi (Equal Pay Act 1970). Ainsi, ces femmes sans histoires, qui n'avaient jamais été impliquées dans la moindre action politique auparavant, se sont retrouvées du jour au lendemain au ministère du travail, face à une politicienne aguerrie, et ont provoqué une véritable révolution dans l'histoire du droit des femmes.”
Stephen Woolley, le producteur de 'We Want Sex Equality', rappelle que l'action de ces femmes s'est déployée au cours d'une année riche en agitations et soulèvements politiques : “1968 a été l'année des grandes manifestations parisiennes et on sentait le vent du changement souffler à travers le monde. Cet incident, d'abord mineur, à Dagenham s'est transformé en véritable évènement. Tout a commencé par une simple revendication interne sur la réévaluation de leur travail, mais les ouvrières ont vite décidé d'élargir le débat sur l'égalité salariale entre hommes et femmes. C'est ça qui a provoqué un scandale. Ce mouvement a soudainement déclenché des répercussions au niveau mondial. Les multinationales étaient réticentes à l'idée d'avoir à payer l'équivalent du salaire d'un homme à une femme.
“Ayant déjà produit d'autres films avec les années soixante pour décor, cette fois-ci Stephen Woolley a voulu se concentrer sur les aspects plus méconnus et surtout moins glamour de cette période :“Le film nous rappelle que tout n'était pas rose pour l'ensemble de la population et qu'une partie des travailleurs continuait à se sentir dominée, même si, bien sûr, leur quotidien n'était pas forcément plombé par la morosité et le désenchantement. Les femmes de l’usine, par exemple, étaient des forces de la nature, faisant preuve d'humour même dans l'adversité.”
Après avoir lu le scénario, la plupart des techniciens et des acteurs ont été choqués de découvrir qu’ils ignoraient cette histoire : “J'avais honte de ne pas avoir été plus au courant”, déclare Andrea Riseborough, qui joue le rôle de Brenda. “Ayant fait mes études dans une école de filles, j'ai été déçue qu'on ne m'ait pas fait prendre conscience du rôle prépondérant qu'avait eu ces femmes dans la marche vers l'égalité des salaires. C'est cet aspect-là et le fait que ma grand-mère ait travaillé dans une usine quasiment toute sa vie en étant extrêmement mal rémunérée, qui m'ont motivée pour faire ce film.”
En fait, plusieurs acteurs ont un lien personnel avec l'histoire de Dagenham : “J'ai grandi dans l'Essex donc je connaissais l'existence de cette usine, et certains membres de la famille de ma mère y ont travaillé”, raconte Daniel Mays, qui joue Eddie, le mari de Rita. Pour Jaime Winstone, qui incarne Sandra, le choix était d'autant plus évident que sa mère et sa grand-mère, couturière, ont toutes les deux travaillé dans une usine : “C'est même ma mamie qui m'a appris à coudre pour le tournage!” Quant à Bob Hoskins, il se souvient avoir lu un petit article sur ces femmes grévistes en dernière page d'un quotidien en 1968: “Je m'étais même demandé : “Mais enfin pourquoi est-ce que ça ne fait pas la Une? Bien sûr qu'elles devraient recevoir le même salaire!” Cette histoire est restée en moi. Je m'étais senti exactement comme Albert, le personnage que j'incarne à l'écran, vis-à-vis de ce combat. Quand le projet a émergé, j'ai tout de suite été enthousiaste à l'idée d'y participer.”