La jeune fille et son aigle

"Cette aventure a commencé pour moi à New York, dans mon bureau. J’ai remarqué, sur le site de la BBC, une photo prise par le photographe israélien Asher Svidensky. On y voyait une jeune fille souriante embrassant un aigle royal, devant un paysage montagneux splendide. La légende disait : "En Mongolie, une jeune fille de treize ans chasse avec son aigle". Cela a suffi pour mettre mes sens en alerte. Quelque part sur terre, cette jeune fille marchait, respirait. J'avais envie d'avoir le son et le mouvement qui accompagnaient cette photo. J’étais sûr qu’il y avait un film à faire sur elle et je voulais être celui qui le réaliserait.

Quelques jours après, j’étais dans un avion vers la Mongolie pour rencontrer Aisholpan et sa famille. En un clin d’œil, je me suis retrouvé à boire un thé au lait, assis en face d’Aisholpan. J’étais en train d’apprendre à connaître sa famille et de discuter de la possibilité de faire un documentaire avec eux, quand son père s’est levé et a dit : « Ma fille et moi allons prendre un jeune aigle dans son nid cet après-midi, est-ce le genre de choses que vous aimeriez filmer ? ».

Pour un réalisateur de documentaires, il est très rare d’être présent au tout début d’une grande aventure. Souvent, vous devez relater les faits rétrospectivement et combler les trous de l’histoire. Nous avons eu la chance de pouvoir filmer les évènements au fur et à mesure de leur déroulement. De fait, la tension présente dans cette séquence que nous avons filmée ce premier jour s’est révélée caractéristique de la manière dont se sont passées les six périodes de tournage au cours de l’année suivante. A chaque fois que nous retournions filmer Aisholpan, nous étions éblouis par sa vision vibrante de la vie. Elle traçait son propre chemin et nous devions simplement nous efforcer de la suivre et la filmer dans ce qu’elle faisait, sachant que cela serait passionnant.

Le vol du jeune aigle s’est déroulé le 4 Juillet 2014. C'est un des trois moments forts de l’histoire du passage à l’âge adulte d’Aisholpan. Les deux autres ont été le Festival de l’Aigle (en octobre 2014) et la Chasse Hivernale (en février 2015). Nous avons filmé ces évènements fidèlement, dans l’ordre dans lequel ils se sont déroulés. Nous n’avons pas eu à imaginer ou à recréer a posteriori des situations.

Nous avons voulu contre-balancer des scènes riches en émotion par des moments plus intimes, afin de montrer la vie quotidienne d’une adolescente de treize ans, originaire du nord-ouest de la Mongolie. Aishoplan a été extraordinaire. Elle a surmonté tous les obstacles. Mais elle n’est pas pour autant un garçon manqué. Elle est aussi féminine que dure à cuire.
J’espère que ce film aidera à découvrir une partie du monde méconnue et comprendre qu’il y a encore beaucoup à faire pour que des femmes gagnent leur autonomie, dans les contrées les plus rudes."



Otto Bell