Note
d'intention Ni juge, ni
soumise
Note d'intention
Est-ce un documentaire, ou une fiction ?
De l’art ou du cochon ?
"Ni juge, ni soumise", ce n’est pas du cinéma… c’est pire.
Depuis vingt-cinq ans, sans commentaire, sans interview, ni concession, « strip-tease » a déshabillé la France et la Belgique. Cette émission programmée sur France 3 et la RTBF, a marqué l’histoire de la télé et provoque toujours des réactions et des débats.
On pourrait la réduire au simple appareil de programme documentaire. Ce serait oublier que la grammaire des épisodes, tout en étant certes, dépendante du déroulement de la réalité, est aussi empruntée au cinéma. Il n’est donc pas étonnant que des réalisateurs reconnus aujourd’hui pour leur talent de réalisateurs cinéma (Joachim Lafosse, Benoit Mariage, etc…) soient issus de l’école « strip-tease ».
En effet, dans chaque film, qu’il soit court ou long, une histoire se raconte, des personnages changent, sont face à eux-mêmes ou à un conflit, l’histoire leur échappe, nous surprend, nous fait découvrir un milieu, des gens, nous raconte un état du monde, et surtout, dénonce sans artifice la société telle qu’elle est.
Considérée comme « culte », l’émission a semblé être entrée en résistance dans une télévision très formatée. Elle a continué à décrypter la société, comme le font depuis toujours les films de cinéma au travers de scénarios de fiction.
« Strip-tease » est né dans les années 80 de l’influence des comédies sociales à sketches italiennes. Un cinéma populaire qui ne respectait pas grand-chose et faisait tout passer à la moulinette : église, politique, famille, bourgeoisie, rapport homme-femme, sexe etc...
Notre écriture, c'est une comédie à sa manière, grâce à des séquences mêlant l’humour noir, l’absurde, l’amertume des situations, parfois un peu de vulgarité, de la poésie, du désespoir, le tout ancré dans notre époque. Il s’agit de scandaliser ou de faire rire en mettant le doigt là où ça fait mal. Il s’agit aussi de montrer des situations tragi-comiques contemporaines.
Nous scénarisons le réel, traquons notre quotidien en dénichant des personnages et des anecdotes de toutes catégories sociales, culturelles ou professionnelles confondues.
La grammaire de ces histoires a été empruntée plus d’une fois en fiction. On prête souvent à des longs métrages une “patte” « strip-tease ». Pourquoi alors, en restant fidèle à nous-mêmes, n’aurions-nous pas tenté de faire un long métrage « strip-tease » à la « strip-tease » ?
Sans changer de cap par rapport aux thèmes parcourus depuis des années, il s’agissait d’en désigner un qui puisse nourrir une histoire longue. Quoi de plus excitant qu’un polar ? Pas seulement qu’il aiguise notre curiosité macabre sur l’âme humaine, mais aussi parce que c’est souvent dans l’histoire d’un crime qu’on peut voir à la loupe la société dans laquelle on patauge.
Dans un polar, l’histoire est le plus souvent un prétexte qui nous amène à décrire les turpitudes de l’âme humaine. Dans un polar, on est prêt à suivre n’importe quelle piste, du moment que l’univers qui y est décrit nous touche, nous concerne et nous questionne.
Peu importe le criminel, du moment que ceux qui le traquent se passionnent pour son profil.
Dans ce film, le fil rouge est devenu la résolution d'un « cold case », une histoire réelle et non résolue depuis plus de 20 ans... Deux prostituées sauvagement assassinées dans de beaux quartiers du centre de Bruxelles. L'enquête redémarrant, il en allait de la réputation de notre juge. Où sont rangés les sacs de préservatifs retrouvés jadis dans les poubelles des deux victimes ? Que sont devenus les quatre suspects de l’époque ? Qu’apporteront les nouvelles méthodes d'enquêtes et les progrès de la criminologie ? Qui percera le mystère du préservatif aux six ADN différents?
L’expérience de Jean Libon après vingt-cinq années à « strip-tease », la connaissance qu’a Yves Hinant des arcanes judiciaires, et l’expertise de notre producteur, nous ont conduits à travailler sur le long terme. Le temps est un luxe aujourd’hui pour faire un film. Trois ans pour fabriquer le nôtre, c’était indispensable. Nous avions besoin de temps pour écrire, et apprendre à connaître un milieu, en profondeur.
Il nous fallait passer du temps avec les personnages, le temps que les situations changent, et que nous soyons toujours là, au bon moment.
Au fil du temps, dans notre film noir, drôle, cruel et grinçant, s’est dessinée une réalité qui n’a rien à envier à la fiction.
Dans le cochon tout est bon…
Jean Libon, Yves Hinant