Notes de
production Whitney
À propos du film
L’idée d’un documentaire sur Whitney Houston germe dans l’esprit de Lisa Erspamer après avoir supervisé, en 2009, une interview de la chanteuse. C’était sur « The Oprah Winfrey Show », dont elle était productrice déléguée. C’est alors que Lisa a rencontré la chanteuse et sa famille. « À l’époque, c’était compliqué de voir à quel point l’opinion publique sur Whitney avait changé à cause de son addiction. C’est si facile de juger quelqu’un quand on a l’impression qu’elle gâche son potentiel, et c’est ce que beaucoup ont dit de Whitney ».
Lisa souhaitait faire un documentaire qui explore l’ascension fulgurante et les raisons qui ont provoqué la chute précipitée de la chanteuse, afin de comprendre la femme derrière son image publique ternie.
En 2015, trois ans après la mort de Whitney Houston, Lisa contacte Nicole David, l’agent de la chanteuse et Pat Houston, sa belle-soeur. Pat Houston décide d’aider Lisa dans ses recherches. « Pour parler de son histoire, il faut la connaître, donc il faut parler à ceux qui l’ont connue depuis le jour de sa naissance jusqu’à sa mort ».
Pat Houston est l’épouse du frère ainé de Whitney Houston, et c’est en 2001 qu’elle commence à gérer la carrière de la chanteuse. À présent, elle est l’exécutrice testamentaire de sa succession, ce qui signifie gérer un héritage rarement surpassé dans les annales de la musique pop. Whitney Houston demeure, en effet, la seule chanteuse solo à être numéro 1 des ventes sept fois consécutives. Son clip « How Will I Know » symbolise l’âge d’or de MTV. En 1992, son interprétation de « I Will Always Love You » dans le film « Bodyguard » est l’un des singles les plus vendus de tous les temps. Whitney Houston a sorti sept albums et deux albums de bande originale au cours de sa carrière. Elle a vendu plus de 200 millions d’enregistrements dans le monde entier et a également signé un contrat de 100 millions de dollars avec une maison de disques, battant ainsi tous les records. Ses performances vont de la pop, avec « I Wanna Dance With Somebody (Who Loves Me) », à des slows comme « The Greatest Love of All », à des morceaux très rythmés de R&B tel que « I’m Your Baby Tonight ». Très respectée dans le milieu, Whitney Houston a été récompensée par sept Grammy Awards.
C’est l’idée d’honorer le talent de la chanteuse qui a poussé Nicole David, son ancien agent, à rejoindre le projet en tant que productrice déléguée. « J’ai toujours été très réticente à faire des documentaires sur Whitney, parce que je sentais qu’elle avait été manipulée de son vivant. Surtout, je ne voulais pas contribuer au moindre conte de fées. Je souhaitais que quelqu’un montre Whitney comme elle était réellement ».
« Tout le monde respecte et fait confiance à Nicole », confie Lisa. « C’est pourquoi tant de gens ont accepté de partager leurs expériences avec Whitney ». Lisa décide ensuite de solliciter Jonathan et Simon Chinn, les documentaristes oscarisés de « Sugar Man », pour les associer à la production. « Je n’ai pas la réputation qu’ils ont dans le monde du documentaire, et nous voulions vraiment nous associer avec les meilleurs ».
Simon Chinn, deux fois oscarisé pour « Le Funambule » et « Sugar Man », accepte le projet « Whitney » à condition de garder le contrôle créatif. « Lisa nous a affirmé que personne ne prendrait le contrôle éditorial sur le film ».
Simon Chinn et son cousin Jonathan, également réalisateur de documentaires, ont commencé par rencontrer Clive Davis, le producteur exécutif musical, qui a guidé la carrière de Whitney Houston en tant que président d’Arista Records et qui contrôle, avec la famille Houston, les droits musicaux de la chanteuse. « On voulait qu’il voit qu’on avait réuni une équipe de classe mondiale pour cette femme qu’il aimait tant ».
Un réalisateur oscarisé
Après avoir mis en place l’équipe de production, les créateurs ont cherché un réalisateur capable de transposer l’histoire de Whitney Houston à l’écran. C’est Nicole David qui a suggéré le réalisateur écossais Kevin Macdonald, oscarisé pour son documentaire « Un jour en Septembre » et acclamé pour « Marley ».
« Kevin fait partie des meilleurs dans le monde du documentaire », affirme Simon Chinn. « Son documentaire “ Un jour en Septembre ” m’a inspiré à en faire, moi aussi ».
Kevin Macdonald confesse qu’il était réticent à accepter le projet. « Au départ, j’étais sceptique par rapport au fait qu’il y ait une histoire intéressante à raconter sur Whitney Houston. Et puis j’ai discuté avec Nicole David, ce qui a suscité mon intérêt. J’ai rencontré énormément d’agents dans ma vie, mais ils avaient rarement autant d’affection pour leurs clients que Nicole en avait pour Whitney. Nicole désirait vraiment savoir ce qui était arrivé à la belle et extraordinaire jeune femme qu’elle avait rencontrée dans les années 80 ».
Nicole a également été impressionné par Kevin Macdonald. « Kevin a posé un regard objectif sur cette histoire. Il n’était pas fou de Whitney, ce n’était pas un fan. C’est un réalisateur intelligent et je savais qu’il construirait quelque chose de sincère à partir de ce qu’il voyait ».
« Nicole m’a envoyé cet article du New Yorker écrit par Cinque Henderson », explique Kevin Macdonald. « Il racontait pourquoi son interprétation de “ The Star-Spangled Banner ” était tellement historique, pourquoi l’hymne national était aussi important pour comprendre les relations raciales, et surtout pourquoi c’était si original pour l’époque. J’ai compris alors tout ce que Whitney incarnait. Pourtant, il y a un vide, un mystère au coeur de son histoire. C’est ce mystère qui m’a poussé à accepter le projet ».
Kevin Macdonald a longuement discuté avec Pat Houston de son besoin d’avoir le contrôle créatif du projet avant de s’engager comme réalisateur. « C’est un équilibre fragile, tout comme ça l’a été pour le film sur Bob Marley », dit-il. « Quand on travaille avec les ayant-droits, il faut qu’ils soient de notre côté. J’ai eu le soutien de Pat et de toute la famille de Whitney. Ils m’ont confié les clés. “ Whitney ” est donc à l’opposé de ce qu’on attendrait d’un film autorisé ».
Une pluralité de voix
C’est en Juillet 2016 que Kevin Macdonald commence sa tournée d’interviews. Il s’entretient avec plus de soixante-dix personnes de l’entourage de Whitney Houston, vies privée et publique confondues. « Il est rare d’avoir plus de vingt personnes dans un documentaire, mais nous avions besoin d’une pluralité de voix, justement parce que Whitney se dévoilait si peu dans ses interviews ».
Parmi les voix essentielles on retrouve celle d’Ellen White, une amie de la famille connue comme « Aunt Bae », qui a essentiellement élevé Bobbi Kristina, la fille de Whitney Houston. On retrouve également celle de Mary Jones, son assistante personnelle de longue date : « Mary est la voix de la raison dans tout ça », affirme Kevin Macdonald. « On peut croire tout ce qu’elle dit. Mary représente une sorte de guide pour le public à travers toute cette folie ».
Le film reprend également des interviews avec d’autres figures importantes de la musique telles que Kenneth « Babyface » Edmonds et Antonio « L.A. » Reid. Le directeur musical Ricky Minor révèle l’histoire derrière l’interprétation innovante de « The Star-Spangled Banner » de la chanteuse, et ses anciens compagnons, gardes du corps, managers, et producteurs se remémorent les souvenirs qu’ils ont d’elle.
Néanmoins, ce sont les interviews avec les membres de sa famille qui se sont avérées les plus inspirantes. Ses frères aînés, Michael et Gary, ont parlé ouvertement des problèmes de drogues que la chanteuse a eu pendant toute sa carrière. Ils racontent également certains évènement marquants de son enfance. « J’ai réalisé trois interviews avec Michael et Gary, et il m’est arrivé d’avoir l’impression d’être en pleine séance de thérapie », confesse Kevin Macdonald. « On creusait plus profondément à chaque fois, parce que comme disait Gary “ notre famille est pleine de secrets ” ».
Pat Houston se souvient d’avoir raconté face caméra certaines des plus grandes confidences de Whitney Houston. « Il y a quelque chose de doux-amer dans le fait de raconter mes conversations avec Whitney. Ce qui lui est arrivé n’est pas hors du commun. Ça pourrait arriver à tout le monde ».
D’autres membres de sa famille sont restés plus réservés. Emily « Cissy » Houston, la mère de Whitney Houston, qui a grandi dans une famille de musiciens, n’a jamais atteint la reconnaissance artistique d’artiste solo qu’elle espérait, elle exigeait donc la perfection de la part de sa fille. Souvent en tournée, Cissy était fréquemment absente, laissant la responsabilité de sa fille à d’autres membres de la famille.
Souvent, Whitney Houston a trouvé refuge à l’église. « Whitney enfant pense qu’elle a une famille parfaite, et puis tout explose du jour au lendemain », explique Kevin Macdonald. Tout l’équilibre familial de la famille est en effet rompu lorsque John, le père de Whitney Houston, divorce de Cissy, pour des raisons bien détaillées dans le documentaire. « Whitney réalise que sa mère et son père ne sont pas parfaits », continue le réalisateur. « Whitney a fantasmé sur l’idée que ses parents se remettent ensemble pendant toute sa vie. Je pense qu’elle a vécu le divorce de ses parents comme la fin du monde ».
Les interviews ont eu lieu à Los Angeles, Atlanta et New York. « On a choisi de filmer tout le monde sur un fond neutre pour ne pas être distraits par leur vie en dehors de la chambre d’hôtel », explique Kevin Macdonald. « Nous voulions que chaque interview paraisse spontanée et intime ».
Kevin Macdonald a obtenu l’aide de tous les gens qu’il souhaitait interviewer, à l’exception de Robyn Crawford, l’amie proche de Whitney Houston. « Il est certain qu’elle connaissait Whitney mieux que quiconque, et j’ai vraiment essayé de la convaincre » reconnaît-il. « Elle était prise par l’écriture de son propre livre, et elle a décidé de ne pas participer ». Sa présence est néanmoins ressentie à travers des vidéos d’archives qu’elle a filmé et dans lesquelles elle apparaît.
Un trésor audiovisuel
Pendant que Kevin Macdonald effectuait les interviews, Sam Dwyer, le responsable des archives, et son équipe ont eu accès à une multitude de photos, de vidéos et d’enregistrements archivés à Atlanta et au New Jersey par Pat Houston et Whit Nip, la société de production. « On possède tellement de choses : chaque tournée, chaque concert, chaque interview, des archives incroyables ».
Parmi les archives utilisées dans le film, on retrouve des sessions d’enregistrement, des vidéos rares et un enregistrement de Whitney Houston décrivant un cauchemar. « On a énormément de vidéos de sa vie privée, dont cette scène incroyable de Whitney qui se pelotonne contre sa mère dans sa loge après une représentation », affirme Kevin Macdonald. « La vidéo est de très mauvaise qualité, mais elle en dit tellement sur leur relation ».
Le documentaire montre aussi des images apportées par Ellin LaVar, sa coiffeuse de longue date. « Elle avait un sac plein de petites cassettes vidéos en 8mm qu’on a récupéré », dit Lisa Erspamer. « Whitney et Ellin n’étaient que des gamines de vingt ans quand tout ça a commencé. Ellin a tout filmé avec sa petite caméra quand elles sont parties voyager à travers le monde ».
La voix continue
Alors que la vie de Whitney Houston a déjà été relatée dans le passé, « Whitney » offre des points de vue et des informations sans précédent sur cette femme qui a galvanisé le public du monde entier, malgré sa lutte intérieure pour exorciser ses démons. « J’espère que les gens comprendront que nous racontons une histoire de famille, d’une femme qui n’avait été envisagée que comme une star de tabloïd », dit Kevin Macdonald. « Quand j’ai commencé ce film, j’étais frustré parce que j’avais l’impression de ne pas entendre sa voix, ne pas la trouver. Mais je suis tombé amoureux d’elle tout doucement, et aujourd’hui je comprends que Whitney Houston a été une grande artiste, qui a fait quelque chose de très démodé : utiliser sa voix pour exprimer le pouvoir de l’émotion à travers la musique ».
Le film est une célébration de cet incroyable héritage musical souligné par une douleur inébranlable qui a hanté la chanteuse pendant de longues années. « J’ai eu de la chance de rencontrer Whitney avant de l’entendre chanter », médite Nicole David. « À l’époque, tout ce que je voyais c’est qu’elle avait quelque chose de spécial. Elle avait cette fausse dureté, cette tristesse. Quand on est aussi belle que l’était Whitney, le monde pense que vous avez tout pour vous. J’espère que ce film aidera les gens à comprendre que si Whitney chantait si bien, c’est parce qu’elle y mettait tout le poids de son âme. »