C’est l’histoire d’un homme en chute libre. Sensible aux esprits,
Uxbal, père de deux enfants, sent que la mort rôde.
Confronté à un quotidien corrompu et à un destin contraire,
il se bat pour pardonner, pour aimer, pour toujours…
Avec : Javier Bardem, Maricel Alvarez
Fiche complèteBiutiful
Réalisateur : Alejandro González Iñárritu
Sortie en salle : 20-10-2010
Avec :
Javier Bardem, Maricel Alvarez
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Bande annonce
- 148 min
- Espagnol-mexicain
- 2010
- Scope
- Dolby SR/SRD
- Visa n°127 590
Synopsis
C’est l’histoire d’un homme en chute libre. Sensible aux esprits,
Uxbal, père de deux enfants, sent que la mort rôde.
Confronté à un quotidien corrompu et à un destin contraire,
il se bat pour pardonner, pour aimer, pour toujours…
Pourquoi revoir ce film ?
Prix d’interprétation masculine à Cannes, nomination à l’Oscar , nomination au BAFTA du meilleur acteur et Goya du meilleur acteur.
Le film de la maturité pour Alejandro Gonzalez Inarritu
Une mise en scène majestueuse au service de son premier scénario original.
(Nomination Meilleur film étranger aux Oscars, aux Golden Globes et au BAFTA)
Une œuvre bouleversante, un puissant message d’espoir et un voyage spirituel, l’histoire d’un père sur le chemin de la rédemption.
Une plongée dans une Barcelone interlope, filmée comme jamais auparavant, et dans l’envers de la mondialisation.
Critiques presse
Crédits du film : (c) 2010 MENAGE ATROZ S. de R.I de C.V, MOD PRODUCCIONES, S.I & IKIRU FILMS S.I.
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Fiche artistique
Uxbal Javier Bardem
Marambra Maricel Alvarez
Tito Eduard Fernandez
Igé Diaryatou Daff
Ekweme Cheick Ndiaye
Hai Taisheng Cheng
Liwei Luo Jin
Fiche techniqueRéalisateur Alejandro González Iñárritu
Scénario et dialogues Alejandro González Iñárritu
Co-scénaristes Armando Bo
Basé sur une histoire de Alejandro González Iñárritu
Produit par Alejandro González Iñárritu
Image Rodrigo Prieto
Décors Brigitte Broch
Montage Stephen Mirrione
Musique Gustavo Santaolalla
Casting Eva Leira
Coproducteurs Sandra Hermida
Producteurs associés Alfonso Cuarón
Producteur exécutif David Linde
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Javier
BardemUxbal par Javier BardemCela faisait longtemps que Javier Bardem et Alejandro G. Iñárritu voulaient travailler ensemble. Quand le réalisateur lui a fait lire le scénario, la réaction de Javier Bardem a été instantanée. L'acteur se souvient : ' Cette lecture a eu un fort impact sur moi. J'ai réagi de manière très instinctive, très émotive. Confronté à un tel matériau, vous savez que vous vous apprêtez à plonger dans un océan de doutes et d'angoisses, mais qui vous ouvrira aussi de nouvelles possibilités et vous apportera beaucoup de joie. Au final, avec cette histoire, c'est la trajectoire qui compte, mais il s'agit de la faire comme il faut, d'être à la hauteur du projet. Il n'est pas question de foncer tête baissée pour atteindre la destination, mais bien de s'abandonner entièrement pour la rejoindre. C'est un parcours vers l'amour, vers la lumière, vers tout ce qu'il y a de positif à l'intérieur de quelque chose qui est devenu noir, ténébreux et difficile. '
Javier Bardem incarne un homme aux multiples facettes - père dévoué, amant brisé, trafiquant endurci, proche des esprits - sur lequel une menace, qui l'atteint personnellement, s'abat soudain, le rendant vulnérable tout en l'amenant à changer. ' Ces contradictions existaient déjà à l'écrit, note-t-il, tous ces aspects de la personnalité d'Uxbal étaient magnifiquement exposés et décrits dans le scénario. Il fallait que je trouve le point de rencontre de tous ces traits sans en trahir aucun. Au fond, Uxbal est comme tout le monde, il doit faire face à une expérience douloureuse et affronter la réalité. Il doit surmonter ce qu'il a vécu pour pouvoir laisser un héritage à sa famille, un legs qu'il n'aurait pas été en mesure de lui donner avant. Il veut transmettre quelque chose de positif à ses enfants, qui leur donne de l'espoir et qui puisse les accompagner dans leurs vies à venir. '
Javier Bardem et Alejandro G. Iñárritu ont beaucoup parlé du personnage ensemble : ' Nous pensions tous les deux qu'il faisait trois voyages différents, se souvient Javier Bardem. L'un est un voyage totalement intérieur, l'autre est extérieur, c'est une traversée des rues pour donner à sa famille de quoi survivre, enfin le troisième est un itinéraire vers ce qui est au dessus de nous - la spiritualité, la mortalité, ce qu'on ne peut pas voir ni expliquer mais dont Uxbal a conscience et qu'il connaît. Ce qui est intéressant, c'est que chaque voyage interfère avec les autres. Son corps, son cerveau et son âme ont chacun besoin de lui, mais sa vie de trafics et les besoins urgents de sa famille exigent de lui exactement l'inverse. Il est constamment en conflit avec lui-même. ' Les aspects intérieurs, extérieurs et transcendantaux du voyage d'Uxbal sont tous liés à sa relation avec Marambra, son ex-femme versatile et tourmentée, incarnée par la comédienne argentine Maricel Alvarez, dont ce sont les débuts à l'écran.
Javier Bardem a fait des essais avec plusieurs actrices avant de rencontrer Maricel Alvarez : ' Chacune aurait pu jouer ce rôle, mais quand Maricel est arrivée, au dernier moment, il y avait quelque chose en elle qui appartenait au personnage”, commente-t-il. “ Elle avait le mélange de gravité et de légèreté de quelqu'un dont les pieds ne touchent pas vraiment terre, la combinaison parfaite de ces deux manières d'être. Quand elle est entrée dans la pièce, il n'y avait plus l'ombre d'un doute, c'était elle. Nous avons exploré ensemble les deux esprits perturbés d'Uxbal et Marambra. Nous l'avons fait avec compassion, amour et en travaillant énormément. Ça été une expérience formidable. '
Uxbal entretient aussi une relation conflictuelle avec son frère Tito, interprété par Eduard Fernández, qui avait déjà joué avec Javier Bardem : ' Il est impossible pour Eduard de dire quelque chose qui ne soit pas vrai. Il est excessivement honnête. Il se prépare très en profondeur et je pense que son travail sur le film en dit plus long que n'importe quel discours. '
Javier Bardem a également été touché par son expérience avec l'actrice non professionnelle Diaryatou Daff, qui joue Igé, l'immigrée sénégalaise qui devient son ange-gardien : ' Il y a tellement de similitudes entre ce personnage et sa propre vie qu'elle a eu beaucoup de courage en acceptant ce rôle. C'était émouvant de la regarder jouer. Au début, elle était nerveuse, puis, à partir d'un certain moment, elle a lâché prise. C'était beau d'en être témoin. '
Après avoir été à l'affiche de la comédie barcelonaise de Woody-Allen 'Vicky Cristina Barcelona', Javier Bardem a eu la chance de découvrir une facette complètement différente de la ville, loin de l'architecture stylée et des cafés qui séduisent les deux héroïnes américaines du film :
' Comme n'importe quelle ville Barcelone a sa lumière mais aussi ses zones d'ombres, chacune complétant l'autre et vice versa. J'en avais entendu parler, mais je n'étais pas très au fait de l'existence de ces usines illégales situées dans les quartiers d'immigrés jusqu'à ce que l'on commence le film. A partir de ce moment-là, j'ai eu l'impression qu'elles étaient au cœur de l'actualité, des raids de la police avaient lieu chaque semaine. Dans les quartiers où nous avons tourné, la vie réelle est beaucoup plus complexe que la fiction. '
À mesure que 'Biutiful' progresse, chaque parcelle d'Uxbal subit une métamorphose - son corps, ce qu'il a dans la tête, ce qu'il a dans le cœur, l'espoir auquel il se raccroche - et ce fut la clef pour Javier Bardem. Sa désagrégation physique fut finalement l'enjeu le plus facile à résoudre : ' Nous avons tourné dans l'ordre chronologique, donc sur tout ce qui est physique, vous établissez un plan d'action - vous savez quand il faut arrêter de manger, quand il faut commencer à faire deux fois plus d'exercices. Nous travaillions de longues heures et j'étais fatigué, donc le corps s'adapte. Ce n'est pas le plus difficile. Ce qui est compliqué c'est de gérer toutes les émotions qui restent en vous à la fin de la journée. Aborder n'importe quel personnage relève d'un saut dans le vide, mais sous différentes formes. Dans le cas de 'Biutiful', les exigences émotionnelles requises impliquaient de sauter encore plus loin, mais c'était très satisfaisant artistiquement.'
Collaborer avec Alejandro G. Iñárritu a rempli toutes les attentes de Javier Bardem : "C'était un honneur et un privilège de travailler avec Alejandro parce que j'ai littéralement dévoré ses films. Nous avons travaillé en étroite collaboration et c'était une aventure. C'était éprouvant, mais aussi très enrichissant parce que c'était un projet très personnel pour chacun de nous." -
Maricel
AlvarezMarambra par Maricel AlvarezMaricel Alvarez a rejoint le projet comme une tornade quand Alejandro G. Iñárritu l'a contactée pour passer une audition. Bien qu'elle soit une des comédiennes de théâtre les plus réputées d'Argentine, elle n'avait jamais fait de cinéma : ' Ça été une magnifique surprise d'être invitée à participer à un casting pour Alejandro G. Iñárritu. Soudainement, en l'espace d'une semaine, je prenais l'avion pour l'Espagne où je me suis retrouvée en face de Javier Bardem. C'était un immense honneur d'être choisie pour travailler avec un réalisateur et un acteur aussi remarquables - pour moi c'était un cadeau de la vie d'apprendre à les connaître. Cela a été le début d'un voyage très spécial pour moi, tant sur le plan artistique que personnel. C’était l’occasion d'évoluer non seulement en tant qu'actrice mais aussi en tant qu'être humain. '
Maricel Alvarez n'a lu le scénario qu'après avoir passé l'audition : ' Je l'ai trouvé puissant, douloureux mais c'était aussi un régal parce que Marambra est un immense défi pour une actrice. C'est un rôle de rêve parce qu'il exige de s'aventurer vers les états les plus extrêmes - des altitudes de l'euphorie absolue aux abîmes du désespoir. J'avais hâte d'avoir la possibilité d'exploser et d'explorer ces émotions. On a l'habitude de vivre nos vies à l'intérieur d'un cadre bien défini, et tout ce qui échappe à ces contours, à cette 'normalité' nous terrifie. Sortir de ce cadre est très libérateur, quoique dangereux.'
Cela dit, il ne lui restait que très peu de temps pour se mettre dans la peau de son personnage : ' Quand vous avez très peu de temps de préparation, vous devez faire entièrement confiance à votre réalisateur, vous devez être comme de l'argile entre ses mains”, dit-elle. “ J'ai donc décidé de faire totalement confiance à Alejandro, d'être aussi disponible et aussi présente que possible, de garder mes yeux et mes oreilles bien ouverts, et de faire confiance à mes instincts les plus primaires. L'atmosphère de solidarité qui régnait avec Alejandro et Javier m'a permis de me sentir à l'aise pour oser aller plus loin. '
Maricel Alvarez est devenue fascinée par l'échec de l'histoire d'amour entre Uxbal et Marambra :'Uxbal et Marambra sont liés par un amour détruit”, dit-elle. “ Ils ne veulent pas se blesser, mais ne peuvent pas s'en empêcher. C'est quelque chose qu'ils ne peuvent pas contrôler. La nature même de leur relation est tragique. C'est comme un verre brisé dont on ne pourra jamais recoller les morceaux. Ce n'est plus que de l'eau et du sable, en train de disparaître.'
Au cours du tournage, Maricel Alvarez a développé un vrai rapport de proximité avec Javier Bardem :'Il est très ouvert, très détendu et ça nous a permis d'approcher notre lien à l'écran de manière plus subtile. Uxbal est un héros tragique, à l'image de la tradition grecque. Il doit beaucoup souffrir pour comprendre qui il est et en quoi consiste réellement son destin - et je pense que Javier a vécu une expérience du même ordre en tournant le film. J'ai admiré sa ténacité, parce que ce n'était pas facile, et j'ai beaucoup apprécié sa générosité. '
Son plus grand défi aura été de travailler avec deux jeunes acteurs, Hanaa Bouchaib et Guillermo Estrella, qui jouent deux enfants pris dans la tourmente de leurs parents : ' Les enfants changent d'humeur en permanence - parfois ils sont contents, parfois ils s'ennuient, mais surtout ils sont toujours très sensibles et très fragiles. On était attentifs à la manière de prendre soin d'eux parce que l'histoire était rude, tout en essayant de faire notre travail sans nous laisser distraire.' -
Alejandro
González IñárrituAprès avoir parcouru le monde avec 'Babel', je trouvais que j'avais suffisamment exploré la multiplicité des angles, des structures fragmentées et des histoires croisées. Chacun de mes films a été tourné dans une langue différente, dans un pays différent, avec des structures et des échelles différentes. J'étais tellement épuisé après 'Babel' que je m'amusais à dire que mon prochain film se concentrerait sur un seul personnage, se déroulerait dans une seule ville, avec une histoire simple et dans ma propre langue… et voilà. 'Biutiful' est un condensé de tout ce que je n'avais jamais fait : une histoire linéaire portée par un personnage unique.
Je voulais décrire une existence complexe dans sa plus simple expression. D'une certaine façon, 'Biutiful' développe à nouveau un thème qui m'obsède depuis toujours : la paternité - la peur de perdre son père, de devenir père, et ce moment précis où vous commencez à devenir votre propre père et où vos enfants deviennent vous. C'est également un film sur la perte - parce qu'au bout du compte, nous sommes aussi ce que nous avons perdu. C'est le même sujet, mais traité différemment. Ici, je voulais détruire les illusions et révéler la vérité avec la puissance non équivoque de l'intime. Oui, faire de l'intime le nouveau Punk.
Le point de départ d'un film est toujours quelque chose de très vague pour moi - une bribe de conversation, une scène entraperçue à travers la vitre d'une voiture, un rai de lumière ou quelques notes de musique. 'Biutiful' a commencé par un matin froid d'automne 2006, pendant que mes enfants et moi préparions le petit-déjeuner. J'ai mis par hasard un CD du concerto pour piano de Ravel en sol majeur. Quelques mois plus tôt, nous avions écouté le même concerto de Ravel pendant un trajet familial en voiture, sur la route qui va de Los Angeles au Festival du Film de Telluride. Le paysage de Four Corners était grandiose, mais dès que le morceau s'était achevé, mes deux enfants s'étaient mis à pleurer en même temps. La mélancolie, la tristesse et la beauté qui émanent de cette musique les avaient submergés. Ils n'auraient pas su l'exprimer. Ils l'avaient simplement ressenti. Quand ils l'ont à nouveau entendu ce matin-là, ils m'ont tous les deux demandé d'arrêter cette musique. Ils se souvenaient très précisément de son impact émotionnel et de la manière dont elle les avait bouleversés. C'est ce jour-là qu'un personnage est venu frapper à la porte de mon cerveau et m'a dit : ' Bonjour, je m'appelle Uxbal '. J'ai passé les trois années suivantes avec lui. Je ne savais pas ce qu'il voulait, qui il était ni où il allait. Il était indifférent et pétri de contradictions. Mais pour être honnête, je savais comment je voulais le présenter et comment je voulais que ça se termine pour lui. C'est bien cela : je n'avais que le début et la fin.
Ce n'est qu'un an plus tard, alors que je marchais dans le quartier El Raval de Barcelone, que tout s'est mis en place. Barcelone est la reine de l'Europe. Elle est évidemment magnifique, mais comme toutes les reines, elle cache des atours beaucoup plus intéressants que cette beauté bourgeoise, certes indéniable, mais parfois ennuyeuse, devant laquelle tant de touristes et de photographes se sont extasiés.
Depuis que, dès mes dix-sept ans, j'ai parcouru le monde en travaillant comme préposé au nettoyage des sols sur un cargo, je suis attiré, curieux et fasciné par les quartiers dérobés que personne ne voit. C'est ce qui me plaît le plus. Un monde nouveau, divers, complexe, marginal et multi-ethnique s'est récemment créé à Barcelone et dans la plupart des grandes villes européennes. C'était impossible à imaginer quand j'ai découvert Barcelone à dix-sept ans. Mais ce jour-là, j'ai senti tout de suite qu'Uxbal appartenait à cet endroit, je savais qu'il faisait partie de cette communauté éclectique et vibrante qui est en train de redessiner le monde.
Au cours des années soixante, Franco a fait venir des centaines de milliers de personnes originaires de différentes régions d'Espagne en Catalogne, et les a empêchés de parler le catalan afin de détruire cette identité. Au cœur d'une terrible crise économique, les Castillans - la plupart venant d'Estrémadure, d'Andalousie et de Murcia - sont devenus des immigrés à l'intérieur de leur propre pays. Ils ont été assignés à une banlieue de Barcelone, Santa Coloma, et on les a désignés sous le nom de 'Charnegos' une appellation péjorative en référence aux immigrés sans argent et à leurs enfants. Dans les années 80 et 90, avec le retour de la croissance, les 'Charnegos' ont commencé à quitter Santa Coloma, qui est alors devenue une terre d'accueil pour les immigrés du monde entier. Bien que El Raval, le 'quartier chinois', soit connu pour être le plus diversifié de Barcelone, c'est Santa Coloma et le voisinage de Badalona dont je suis tombé amoureux. Là-bas, les Sénégalais, les Chinois, les Pakistanais, les bohémiens, les Roumains et les Indonésiens vivent tous ensemble, en paix, sans problème, et chacun parle sa propre langue sans avoir l'envie ou le besoin de s'intégrer à l'Espagne.
Et franchement, il semble que la société n'ait pas eu l'envie de les intégrer non plus.
C'est un quartier qui n'a pas été aseptisé. Il est humain. Il a une odeur, une texture et ses propres contradictions. C'est un véritable exemple de communauté, et il porte en lui l'ADN d'une forme idéale de Nations Unies. Les migrations et la mixité qui, par le passé, ont mis près de trois cent ans à se faire, se sont produites ici en seulement vingt-cinq ans. Bien sûr, cela ne s'est pas fait sans douleur ni tragédie. Chaque année, des centaines d'Africains meurent noyés en essayant d'atteindre les côtes espagnoles. Ces images sont difficiles à regarder. Et on peut lire chaque jour des articles sur la manière dont les immigrés chinois sont maltraités et exploités à travers l'Europe. Rien qu'en Grande-Bretagne on recense un million de Chinois. Contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis, ces populations ne viennent pas en Europe pour se fondre dans la culture locale. Les recherches que j'ai conduites m'ont appris que la plupart d'entre eux viennent là pour survivre et aider ceux qu'ils ont laissés derrière eux.
Mais bien plus que ces aspects sociologiques, par ailleurs passionnants, c'est l'émotion qu'ils ont suscitée en moi qui a servi de contexte à "Biutiful". Quand un film n'est pas un document, c'est un rêve. Et un rêveur est toujours seul, comme le peintre est seul devant sa toile blanche. Et être seul, c'est poser des questions. Faire un film sert à y répondre.
J'ai écrit une biographie précise de chaque personnage. Les principaux, mais aussi les Chinois et les Africains.Chacun devait avoir un passé et une raison d'être, afin qu'ils ne soient jamais utilitaires. Je l'ai fait pour apprendre à les connaître et pour aider les acteurs à comprendre d'où venaient les personnages
qu'ils incarnaient. Uxbal est né "Charnego" et il fait partie des 10% des gens parlant castillan qui sont restés à Santa Coloma. Les immigrés ne lui sont pas étrangers. Il a grandi avec eux. Il travaille avec eux. Traverser ce quartier un dimanche est une expérience physique, spirituelle et émotionnelle. Vous pouvez voir des gitans chanter en groupes dans les rues, tandis que des Musulmans prient dans un parc ou psalmodient à travers les haut-parleurs d'une
petite mosquée, et qu'une église catholique est remplie de Chinois. Je voulais que mon histoire soit du même ordre : un voyage physique, spirituel et émotionnel.
A partir de cette visite à Barcelone,mon inconscient s'est mis à me dicter l'histoire de manière compulsive. Ma fille Maria Eladia m'a dit que lorsqu'un hibou meurt, il crache une boule de poil de son bec.Cette nuit-là, j'ai rêvé de cette image. Ensuite, tout a commencé différemment. J'ai vu Uxbal comme un être pétri de contradictions : un homme dont la vie est tellement occupée et compliquée qu'il ne peut même pas mourir en paix, un type qui protège les immigrés tout en exploitant leur travail. Un homme de la rue qui a un don spirituel, qui parle avec les morts et les guide vers la lumière… mais qui se fait
payer en échange ; un père de famille au coeur brisé, avec deux enfants qu'il aime, mais avec lesquels il ne peut pas s'empêcher de s'emporter ; un homme
dont tout le monde dépend mais qui dépend aussi des autres ; un homme primitif, simple et humble, doué d'une intuition profonde et extra-lucide. Un
soleil entouré de planètes satellites. Je le voyais comme un graphique dont le corps est la rue, le coeur est la famille et l'âme est à la recherche du père absent.
Avant de commencer à écrire le scénario, j'ai dessiné une carte. J'ai tracé deux cercles en spirale et une ligne qui définissait graphiquement le voyage d'Uxbal et son état d'esprit. Une spirale allait de l'intérieur vers l'extérieur. Elle représentait sa vie quotidienne, incontrôlable. L'autre spirale allait de l'extérieur vers l'intérieur. Elle incarnait le coeur d'Uxbal, s'aventurant profondément vers des terres de plus en plus intenses. Et puis j'ai dessiné une ligne croisant les deux spirales : l'esprit.
Mon père disait toujours que les gens qui gagnaient peu d'argent ou bien les chauffeurs de taxi ne pouvaient pas se permettre d'être déprimés. "C'est un luxe réservé aux riches", disait-il. La vie ne leur permet pas de mourir. Uxbal est ainsi : un homme seul, désespéré, à la recherche d'un père qu'il n'a jamais
connu.
Après avoir écrit la première version du scénario, j'ai décidé d'inviter les auteurs Armando Bo et Nicolás Giacobone à m'accompagner dans ce processus. Ecrire ne m'était pas inconnu, mais l'expérience m'a appris que, pour l'écriture d'un scénario, qui correspond à une phase très en amont de la réalisation et qui requiert certaines techniques, la collaboration peut être extrêmement fructueuse. Armando Bo est un réalisateur de publicité très influent et réputé que je connais depuis des années. Son cousin Giacobone est un auteur qui a écrit plusieurs nouvelles et dont le premier roman est sur le point d'être publié. Tous deux sont jeunes, talentueux et obsédés par le football argentin. Ils ont apporté une innocence et une fraîcheur particulière au film. C'était la première fois qu'ils faisaient ça, mais sûrement pas la dernière.
Dès l'écriture de "Biutiful" j'avais Javier Bardem en tête pour incarner Uxbal. Personne d'autre n'aurait pu apporter au personnage ce qu'il lui a donné. Je
n'aurais pas pu faire ce film sans lui, parce que pour moi, lui seul était Uxbal. Cela faisait des années que Javier et moi essayions de travailler ensemble. J'ai
pensé que ce personnage serait le pont qui nous réunirait sur un plateau. Ma manière de travailler avec les acteurs n'est ni légère ni facile. Je me donne
entièrement sur chaque projet et j'en demande autant aux acteurs. Je suis obsédé par la perfection, ou en tout cas par ce que je considère comme étant
la perfection. Physiquement et émotionnellement c'est un voyage difficile. Ajouter Javier à l'équation, c'était comme réunir l'Affamé et l'Ogre… et chacun
de nous voulait être satisfait.
Javier n'est pas seulement un acteur extraordinaire. Il est unique.Tout le monde sait ça. Il se prépare jusqu'à épuisement et écrit des notes très détaillées sur son personnage. Il est impliqué, intense et tout aussi obsédé par l'excellence. Mais ce qui le rend si particulier et unique c'est un poids, une gravité, une présence inquiétante à l'écran, qui viennent de son intensité, de sa vie intérieure si profonde.
C'est une chose qui ne s'apprend pas, une chose angélique ou diabolique, que vous possédez ou pas.
Contrairement à mes précédents films, pour lesquels je tournais différentes histoires avec différents acteurs, durant quelques semaines, ce tournage a été
long et intense. Javier était quasiment de chaque scène, portant littéralement le film sur ses épaules. La précision et l'intensité émotionnelle nécessaires à ces scènes n'étaient pas simples à maintenir, surtout en jouant avec soit des acteurs non-professionnels soit des enfants.Au cours de l'automne et de l'hiver
2008/2009, Javier Bardem, l'homme que je connaissais, s'est effacé pour donner vie à Uxbal.
Nous savions que ça serait comme l'ascension de l'Everest, que chaque jour serait plus difficile que le précédent. Nous avons planifié et discuté ensemble
de la route à prendre. J'ai préparé la grammaire visuelle et chaque aspect du film - l'ordre chronologique du tournage, les costumes, les décors, les mouvements de caméra et même les différents formats à utiliser à différents moments du film - afin qu'il puisse s'y retrouver et que nous puissions atteindre le but que nous nous étions fixé : partir d'un homme abrupt, tendu, dans le contrôle de lui-même et des autres, pour arriver à un homme libéré, qui comprend la reddition et qui acquiert une forme de sagesse lui permettant de voir et de sentir la lumière à travers sa propre souffrance. Nous nous sommes énormément donnés.Cette histoire nous a obligés à aller vers un terrain dangereux duquel il est parfois difficile de revenir. Un tel film vous épuise, mais cet effort extraordinaire, ce sacrifice, ont été proportionnels à l'immense satisfaction artistique que nous avons partagée.
Un des rôles les plus difficiles à écrire et à "caster" a été celui de Marambra. Les gens bipolaires, qui souffrent d'un désordre émotionnel, qu'on appelle
parfois maniaco-dépressifs, peuvent être trop facilement caricaturés. J'étais à la recherche d'une vibration et d'un esprit très spécifique. J'ai organisé de nombreuses séances de casting à travers l'Espagne, et j'ai vu un grand nombre d'actrices très talentueuses, mais je n'ai pas trouvé ce que je cherchais.
Trois semaines avant le début du tournage, je ne l'avais toujours pas trouvée et j'étais sur le point de décaler le film.
J'ai organisé un casting ouvert à tous en Argentine, et c'est là que nous avons découvert Maricel Alvarez. Juste en regardant sa vidéo, j'ai su que c'était elle. Maricel a pris un vol pour l'Espagne, et après avoir passé 24 heures sans dormir, autour d'un texte qu'elle ne connaissait pas la veille, elle a passé les essais les plus incroyables que j'ai jamais vus. J'ai également fait des essais "caméra" avec elle, avant qu'elle ne retourne en Argentine douze heures à peine après son arrivée. Je l'ai mise en face d'une caméra pour la première fois de sa vie, je lui ai demandé de ne rien faire et d'imaginer certaines images ou des situations que je lui suggérais. Le plateau et l'équipe étaient très silencieux. Au bout d'une minute, j'avais la chair de poule et les larmes aux yeux. L'alchimie et la magie étaient là. Maricel a apporté le danger et la tendresse dont Marambra
avait besoin. C'est une fantastique actrice de théâtre depuis des années, dont la palette et le talent sont très difficiles à trouver sur cette planète.
Pour le rôle d'Igé, nous avons vu plus de 1200 femmes en Espagne et au Mexique. Nous avons finalement trouvé Diaryatou Daff au coeur d'un quartier populaire de Barcelone, dans un salon de coiffure où elle travaillait. Elle est Sénégalaise et, comme des centaines de milliers d'autres femmes africaines, elle a risqué sa vie et quitté son pays pour trouver un travail et subvenir aux besoins des membres de sa famille. Sa vie n'a pas été facile. On l'a mariée à un
homme de cinquante ans quand elle en avait quinze, selon la tradition sénégalaise où l'oncle du côté de la mère peut choisir le mari de sa nièce. Elle a fui cet homme violent et s'est mariée plus tard avec un jeune homme avec qui elle a eu un enfant. Vivant dans une petite ville à la situation économique désastreuse, elle a décidé de partir trouver du travail en Espagne. Elle n'avait pas vu son fils depuis trois ans quand elle a passé le casting. Travaillant nuit
et jour, elle aide non seulement son mari et son enfant, mais également trente personnes qui dépendent du peu d'argent qu'elle a la possibilité d'envoyer au Sénégal. Diaryatou avait toujours peur de perdre son emploi au salon de coiffure. Pendant qu'on répétait, j'étais conscient qu'elle comprenait intimement le personnage que je voulais qu'elle interprète. Elle l'a fait avec une telle honnêteté et une telle profondeur - ne serait-ce qu'en portant un coussin comme si c'était son enfant, j'entendais sa voix trembler. L'histoire d'Igé était son histoire. Je n'avais jamais fait l'expérience d'une personne dont la vie est si proche du personnage qu'elle incarne. C'était comme si la réalité était en train de danser avec la fiction, là, devant mes yeux. Cela a énormément compliqué sa vie de faire le film, mais sa motivation pour parler au nom de millions de femmes dans sa situation était plus forte que tous les obstacles. J'ai toujours aimé le fait qu'Igé n'ait l'air au départ que d'un personnage secondaire, et que, sans que l'on s'y attende, elle devienne la pierre angulaire du récit. Elle est "Mama Africa", une mère rationnelle, intelligente et aimante. C'est ce qu'est Diaryatou dans la vraie vie. Subtile, talentueuse, sensible, belle et surtout vraie.
Trouver des enfants est toujours difficile. Les scènes avec eux constituaient un véritable défi, à cause du sujet du film, et en plus le physique de Javier Bardem et de Maricel ne facilitait pas les choses.Nous avons trouvé Guillermo, qui joue Mateo, assez vite, mais trouver la fille d'Uxbal nous a rendu très nerveux. Deux semaines avant le tournage, alors que nous nous étions résignés et avions décidé d'avancer sans elle en espérant qu'on finirait par la trouver, j'étais en train de faire un repérage dans une école locale où nous allions tourner. Soudain, Hanaa, élève dans cette école,m'a tapé dans le dos et m'a demandé ce que je faisais. Je me suis retourné et je l'ai vue. J'ai dit : "Je suis en train de faire un film". Elle m'a répondu : "J'adorerais jouer dedans". Et c'était l'évidence.
Elle était un ange frappant à la porte d'un homme désespéré, qui avait cherché à travers toute l'Espagne sans savoir que la réponse était sous son nez.
Comme toujours, j'ai eu l'immense privilège de travailler sur ce film avec mes vieux complices, le même groupe de rock dont la basse, la batterie et les instruments rendent la musique plus riche et plus joyeuse, nous éloignant petit à petit du côté froid et technique de la partition, dont chaque film doit pouvoir
se séparer, pour atteindre le pays des souvenirs, des désirs, de la logique, des rêves, de la suggestion et de la réalité subjective de la lumière et des images.
J'ai dédié "Biutiful", comme tous mes films précédents, à un membre de ma famille, non pas parce qu'ils font partie de ma famille,mais parce qu'ils sont la raison, la source, celui ou celle à qui j'ai directement envie de parler à travers le film.
Celui-ci est dédié à mon père, et il sait bien pourquoi.
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Critiques
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Festival de Cannes 2010
Prix d'interprétation masculine -
Cérémonie des Oscar 2011
2 nominations -
Goya 2011
9 nominations -
Bafta Awards 2011
2 nominations -
Golden Globes 2011
1 nomination
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Festival de Cannes 2010
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Disponible en DVD
- : 142
- Format image : 1.77 supervisé par le réalisateur
- Son : 5.1 Dolby Digital
- Langue : Français / Anglais
- Sous-titres : Français
Bonus :
- Journal de bord filmé par Iñarritu
- L'équipe du film
- Interviews des acteurs et du réalisateur
- Bande-annonce
Disponible en BLU-RAY- : 148
- Format image : 1.77 supervisé par le réalisateur
- Son : 5.1 DTS-HD Master Audio
- Langue : Français / Anglais
- Sous-titres : Français
Bonus :
- Journal de bord filmé par Iñárritu
- Bande-annonce
- L'équipe du film
- Interview des acteurs et du réalisateur
Disponible en VODBiutiful / VOD
Sortie : le 27-09-2011
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- Disponible en téléchargement sur SFR
- Disponible en téléchargement sur UniversCiné
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