-
Iciar
Bollaín
« Le parcours de Carlos Acosta est fascinant. Enfant, il refusera longtemps d’apprendre le ballet avant de finalement consacrer sa vie à la danse. C’est à cause de son conflit avec son père qu’il décidera de quitter son pays pour devenir danseur étoile. Mais cet exil loin des siens reste un déchirement.
“ Yuli ” raconte aussi l’histoire de Cuba à travers la famille de Carlos, à commencer par sa grand-mère, fille d’un esclave. Dans les années 80, sa grand-mère et sa tante émigrent à Miami, chose courante dans plusieurs familles cubaines, dont la mère de Carlos ne s’est jamais remise.
Le retour de Carlos à Cuba lorsqu’il a 20 ans, après son premier séjour à Londres, coïncide avec la crise des balseros (terme utilisé pour désigner les Cubains qui tentaient d’atteindre les côtes des États-Unis dans des embarcations de fortune, les “ balsas ”) de 1994, lorsque l’aide russe prend fin après l’effondrement de l’Union Soviétique et que l’île vit l’un des pires moments de son histoire.
L’histoire de Carlos est unique, car il n’y a qu’à Cuba qu’un garçon métis comme lui, fils d’un camionneur noir issu d’un quartier modeste, se retrouve à suivre gratuitement les cours d’une grande école de ballet comme l’École Nationale de Danse de Cuba.
Je me suis souvent rendue à Cuba depuis les années 90 et j’ai pu admirer la capacité qu’ont les Cubains à toujours aller de l’avant. Au milieu des contradictions et des difficultés économiques constantes, il y a une vie artistique incroyablement foisonnante à Cuba, avec des danseurs, des musiciens, des plasticiens, des écrivains et des cinéastes de très haut niveau auxquels le film rend hommage, à travers Carlos et les danseurs de sa compagnie, tous cubains, tous extraordinaires. »
Icíar Bollaín
-
Carlos
Acosta
Carlos Acosta est né à La Havane en 1973. Il est le cadet d’une famille de onze enfants et vit dans un des quartiers les plus démunis de la ville. Cédant à l’insistance de son père, il part chaque jour en train suivre les cours de l’École Nationale de Ballet de Cuba, où il a pour enseignants des danseurs renommés.
De 1989 à 1991, invité par des troupes prestigieuses, il se produit dans le monde entier et obtient de nombreux prix internationaux, dont la médaille d’or au Prix de Lausanne en 1990, puis le Grand prix de la 4ème biennale du concours international de danse de Paris.
En 1991, à l’âge de 18 ans, il est invité par le National Ballet de Londres où il devient le plus jeune Premier danseur. Après quelques mois, suite à une blessure, il retourne à Cuba. Une fois guéri, il danse pendant six mois avec le Ballet National de Cuba. En 1993, et cinq ans durant, il se consacre au Ballet de Houston, où il danse tous les grands rôles du répertoire.
De 1998 à 2005, devenu membre permanent du Royal Ballet, il est promu « Principal Guest Artist » en 2003. C’est alors qu’il crée sa première chorégraphie, « Don Quichotte ». Il devient Invité d’Honneur auprès de toutes les plus grandes compagnies à travers le monde. Il danse aux États-Unis, en Russie, en Argentine, au Japon, en Chine, en Grèce, en Europe, en Australie. Il danse notamment plusieurs saisons avec l’American Ballet de New York et viendra deux fois à l’Opéra Garnier à Paris danser le Don Quichotte de Noureev ainsi que la Bayadère. À Moscou et à Londres, il tient le rôle de Spartacus avec les danseurs du Bolchoï, et remporte le prestigieux Prix Benois de la Danse.
En 2009, il fait venir la troupe du Royal Ballet à Cuba. Il danse Roméo et Juliette devant plus de 13 500 personnes.
En 2014, après une année où il présente deux productions qu’il chorégraphie à l’Opéra de Londres, il est fait Commandeur de l’Ordre britannique. L’année suivante, il reçoit le prix Ninette de Valois pour l’ensemble de sa carrière. Parallèlement, il chorégraphie un ballet autobiographique « Tocororo » dont la Première mondiale à lieu à La Havane en 2003. Lors de sa présentation à Londres, ce ballet battra les records d’affluence et sera nommé pour un Lawrence Olivier Award en 2004. Il développe des spectacles à travers l’Europe, où il mêle danse classique et répertoire contemporain, et met en valeur le travail de jeunes chorégraphes cubains. En 2007, sa production de « Carlos Acosta and Friends » au Royal Ballet de Londres remporte le prix Lawrence Olivier du « Outstanding achievement in dance ». Il quitte le Royal Ballet de Londres en 2015, en dansant sa propre chorégraphie de Carmen, puis donne une dernière série de représentations au Royal Albert Hall de Londres en 2016.
En 2007, son autobiographie « No Way Home – A Cuban Dancer’s story », est publiée par Harper Collins en Angleterre, Scribner aux États-Unis et Schott en Allemagne. En 2013, il publie sa première fiction « Pig’s Foot ».
En 2017, il crée sa propre compagnie de danse, Acosta Danza, à La Havane et crée la Fondation Internationale de Danse Carlos Acosta, afin d’offrir les meilleurs opportunités à de nouveaux talents.
-
Paul Laverty
« Je n’avais jamais fait d’adaptation auparavant et le livre de Carlos, “ No Way Home ”, avait été publié il y a plus de 10 ans. Je sentais que j’avais besoin de quelque chose de plus alors je suis allé à La Havane pendant deux semaines pour regarder Carlos répéter avec sa compagnie de danse. Ils m’ont sidéré. Ce sont quelques-uns des meilleurs danseurs du monde et leur collaboration avec Carlos a quelque chose de spécial. J’ai pensé : “ Pourquoi ne pas danser une partie de sa vie, avec Carlos qui jouerait son propre rôle. Utilisons son talent ! ” Je voulais voir ses tendons s’étirer et sentir sa sueur. Pas de trucages ou d’acteurs qui se précipiteraient pour apprendre quelques mouvements en deux mois. Capturer la majesté de la danse pour de vrai, dans toute sa beauté et sa discipline. Je pensais que cela représenterait un défi passionnant pour Icíar, la réalisatrice. Saurions-nous capter l’insaisissable conflit entre un père et son fils, pas seulement à travers les mots, mais aussi par les mouvements, la suggestion ? Saurions-nous faire ressentir les contradictions liées au succès ? L’enfance de Carlos était la clé. J’ai moi-même quitté la maison de mon enfance à 9 ans. Je n’ai jamais oublié cette boule au ventre. Carlos non plus. »
Paul Laverty