1960. Gu, célèbre et dangereux gangster condamné à vie, s’évade de prison.
Traqué par la police, il veut s’enfuir à l’étranger avec Manouche, la femme qu’il aime.
Ayant besoin d’argent, il accepte de participer à un dernier hold-up…
Avec : Daniel Auteuil, Monica Bellucci
Fiche complèteLe Deuxième souffle
Réalisateur : Alain Corneau
Sortie en salle : 24-10-2007
Avec :
Daniel Auteuil, Monica Bellucci
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Bande annonce
- 156 min
- France
- 2006
- Scope
- Dolby SRD - DTS SR
- Visa n°116.076
Synopsis
1960. Gu, célèbre et dangereux gangster condamné à vie, s’évade de prison.
Traqué par la police, il veut s’enfuir à l’étranger avec Manouche, la femme qu’il aime.
Ayant besoin d’argent, il accepte de participer à un dernier hold-up…
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Fiche artistique
Manouche Monica Bellucci
Blot Michel Blanc
Orloff Jacques Dutronc
Alban Eric Cantona
Venture Ricci Daniel Duval
Jo Ricci Gilbert Melki
Antoine Nicolas Duvauchelle
Pascal Jacques Bonnaffé
Fardiano Philippe Nahon
Théo Jean-Paul Bonnaire
Fiche techniqueUn film de Alain Corneau
Produit par Michèle et Laurent Pétin
Adaptation Alain Corneau
Dialogues José Giovanni
D'après l'ouvrage de José Giovanni
Musique originale composée et orchestrée par Bruno Coulais
Décors Thierry Flamand - A.D.C
Costumes Corinne Jorry
Son Pierre Gamet
Montage Marie-Josèphe Yoyotte
Directeur de production Bernard Bolzinger
Une production ARP
En co-production avec TF1 Films Production
Avec la participation de Canal +
Et le soutien de La Région Ile-de-France
En partenariat avec le CNC
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Alain
CorneauQuand avez-vous rencontré José Giovanni la première fois ?J’étais premier assistant. Et il faisait un casting de techniciens. Je savais qui il était, j’avais lu ses livres car j’étais déjà fan de polars. C’était quelqu’un d’amical, avec un regard très aigu, un visage lunaire. Il savait ce qu’il voulait. Il vous adoptait ou pas. Il était franc et modeste sur son métier. Il voulait renouveler son équipe, trouver des plus jeunes et il m’a donné la liberté de former une bonne partie de l’équipe. C’était un très bon conteur de vraies histoires, il avait gardé cet esprit taulard et nous les racontait le soir après le tournage. J’ai rencontré sa femme, Zazie. Notre amitié est née en cours de tournage. Il a y eu quelques scènes, des scènes de nuit, ou des intérieurs voiture, où il me disait : « Je ne sais pas très bien le mettre en place, qu’est-ce que tu penses ? ». Et c’était un cadeau merveilleux pour moi. On n’a pas fait d’autres films ensemble, je suis devenu metteur en scène, mais on se voyait régulièrement, pour le plaisir.
Et « Le deuxième souffle » est rapidement devenu un sujet de conversation ?Pas tout de suite, on a abordé le sujet quelques années plus tard. On a d’abord souvent parlé du film de Melville, qui me fascinait. Lui refusait d’admettre que c’était un grand film, à cause de tous les soucis qu’il avait eu avec Melville. Il reprochait au film de manquer d’oxygène, d’être dénué de sentiments, de ne pas faire passer l’amitié qu’il y avait entre les gens. C’est vrai que, quand on connait José et qu’on voit « Le trou » de Becker ou « Classe tous risques » de Sautet, on sent que ces films sont bien plus proches de José.
Après avoir réalisé « Police Python » et « La menace », je cherchais des idées autour d’histoires fortes, comme celle du « Deuxième souffle ». Je n’envisageais pas du tout de le refaire, car pour moi c’était un univers d’avant, avec des postures morales qui étaient devenues académiques. A cette époque, on n’avait plus envie de filmer des truands à Pigalle. On voulait aller en banlieue. On voulait parler de ce tsunami social et littéraire, politique et esthétique qu’a apporté la drogue. Le milieu était totalement désorganisé. Les gangsters n’avaient plus de morale. Avec « Le choix des armes », j’ai eu l’idée d’un trait d’union entre ces deux générations. Montand, incarnait un gangster à l’ancienne et Depardieu la nouvelle génération. Au départ, le film s’appelait « Abel le Caïd et Mickey le dingue ».Que pensait Giovanni de ces « nouveaux polars » ?José étant de la génération d’avant, il se posait et nous posait, beaucoup de questions. Où sont les grands sentiments tragiques ? Comment sublimer tous ces personnages ? Grandir ces personnages, cela a fait son chemin dans ma tête. Je suis allé à la découverte des gens qui avaient réalisé ce cinéma là. Comme Grangier par exemple. Certains de ses films étaient très bons ! Il en pleurait qu’on puisse aimer ses films. Ça nous parlait beaucoup. Ce qui nous plaisait là dedans, c’était le retour à un réalisme apparent des années 50 et 60, son attachement à tous les métiers, et la figure de Gabin qui se promenait au milieu de tout ça. Il avait une approche modeste et vivace des codes. On a réellement, sérieusement, commencé à parler de refaire le « Deuxième souffle » dans les années 70-75 avec José, qui était plutôt partant. On en parlait deux fois par an, chaque fois qu’on se voyait. Un jour j’ai dit : « Allez, cette fois, je vais essayer ». J’ai gambergé, de façon incohérente. Fallait-il actualiser l’intrigue ? J’ai essayé : cela partait en quenouilles… Mais si je faisais un film d’époque, je courrais le risque qu’il soit décoratif. Fallait-il le délocaliser ? J’ai rencontré des producteurs américains, mais j’ai vite compris que cette histoire était enracinée dans notre culture.Et puis vous avez arrêté de faire des polars…Il y a eu une véritable déshérence du genre qui est arrivée progressivement. La télévision nous a submergés de feuilletons policiers avec des personnages « audimatés », donc dénués de doutes, plaqués dans des histoires sans radiographie sociale, sans tragédie, sans éthique ni morale. L’arrivée de la gauche au pouvoir n’a rien arrangé. Car du coup on perdait la charge politique qui nous motivait. Et les écrivains se sont mis à écrire des romans militants à clef politique, au détriment de la construction de l’histoire et des personnages et avec un humour au huitième degré, inadaptable. Le film noir a cessé d’être un genre collectif. Un cinéma de genre a besoin de beaucoup de films pour évoluer. En France, d’un seul coup, on a cessé d’en faire. Dans les années 70, on a raconté des polars du côté des flics, donc avec des personnages plongés dans une vision très quotidienne, naturaliste, documentaire, sans marginalité glorieuse …
C’est à cette époque que vous réalisez « Le cousin »…Oui, parce que j’avais rencontré un ex-flic, Michel Alexandre, qui a co-écrit le scénario avec moi, qui m’avait raconté la vraie vie des flics et leurs rapports avec leurs balances, qui étaient des « cousins » c’est à dire des membres de la famille, qu’on chouchoutait. Le flic devenait parfois truand, et le dealer parfois agissait comme un flic. Cela m’a paru intéressant à mettre en scène. Mais ce film a choqué José. « C’est un film amoral, vous êtes devenus fous ! Qu’est-ce que c’est que ça, un polar où les gens n’ont pas de destin. Ce ne sont pas des héros, mais des raclures ! » . Ayant réalisé « Série noire » bien avant, je ne pouvais pas être tout à fait d’accord avec lui, mais ses arguments touchaient quelque chose de profond en moi.
« Le deuxième souffle », au fil des années, se précisait dans ma tête. Il manquait la mise à feu, le déclic : ce fut la rencontre avec des producteurs qui avaient le même rêve que moi sans que je le sache, qui connaissaient José et en avaient parlé avec lui…Il y a eu ce dîner où Laurent et Michèle me disaient qu’il serait grand temps que je revienne au polar et je leur expliquais tout ce que je viens de vous dire : la déshérence du genre, le manque de postures morales, de figures mythiques. Et je conclue en disant : « A part refaire « le deuxième souffle », je ne vois pas… Là-dessus, Laurent me tend la main : « Tope là ! Cela fait vingt ans que j’en rêve… ». Le lendemain matin, je m’y suis plongé.En relisant le livre ?Bien entendu. Parce que, le temps de s’en parler, durant toute une soirée, toutes les conversations que j’avais eues avec José sur le sujet me sont revenues : garder l’histoire dans son époque, choisir Auteuil pour jouer Gu, raconter enfin l’histoire d’amour entre Gu et Manouche qui avait été escamotée dans le Melville, ainsi que la faille de Blot, donc, le retour au livre s’imposait pour se déployer autrement. Et en le relisant, il y a plus de deux ans maintenant, j’ai redécouvert l’extrême richesse des personnages et de sa construction. Il faut dire que ce livre est bluffant. On ouvre sur une évasion, un mec meurt, on arrive chez Manouche, un tireur meurt et la mort de ce tireur va déterminer tout le reste : la mécanique tragique est déjà en marche.
Ensuite, José était obsédé par les balances. Et c’est le personnage de Gu, un homme d’une rigueur morale absolue, qui se fait piéger et va finir par donner un nom et des infos. Giovanni a mis le poison chez le plus pur de tous ses personnages. C’est difficile de dépasser ça. Il place Gu dans une situation inhumaine, qui va l’emmener vers l’explosion finale. Et nous, on est avec lui, on s’identifie à lui. Gu est-il bon ou méchant ? La question ne se pose pas, puisqu’on est ailleurs, dans le tragique. Il faut des personnages très grands pour arriver à ce niveau là.Pourquoi d’après vous Gu renonce-t-il à tuer Jo Ricci avant de quitter Paris ?Ah, le fameux « Fonce, j’y vais pas », que Gu dit à Alban... A la fois, je comprends ce qui se passe dans sa tête, et je ne le comprends toujours pas. Il a senti les flics, comme me l’affirme Zazie Giovanni, ou il a eu peur ? Je ne sais pas, donc j’ai mis les deux dans la bouche de Blot : l’instinct, ou la trouille. C’est symbolique de ce Gu, dont on ne sait jamais s’il va s’en sortir ou pas, y aller ou pas, s’il a trouvé son deuxième souffle ou pas. L’évasion de la prison et le train sont construits de la sorte : il va y arriver ou pas ? Devant chez Jo, il flanche. Mais après le casse, il redevient le Gu d’avant…
Et pourquoi se sert-il toujours du même colt ?C’est un élément que José pose dans le roman, mais il ne l’explique pas. Est-ce qu’à l’époque du livre l’analyse balistique existait déjà à ce niveau là ? José dit que Gu est un homme perdu et il en reste là. Moi, je prends le parti de dire que c’est intentionnel. L’homme perdu assume.
José Giovanni voulait que Daniel Auteuil joue Gu…On avait parlé d’Auteuil avec José. Melville à un moment donné avait voulu inverser la distribution, et que Paul Meurisse joue Gu, ce qui avait rendu José fou… Lino Ventura et José étaient des amis très proches, mais José a toujours pensé que Lino était trop puissant pour incarner ce héros à bout de souffle. Et il me disait que Daniel Auteuil était plus proche de l’homme qu’il décrit dans le livre : « On me l’a montré, j’ai été déçu : on aurait dit un employé de banque. ». Daniel Auteuil a le gabarit nécessaire au rôle. Avec l’âge et l’expérience, il est devenu plus mystérieux. Il a gagné en force, en charisme, mais il a gardé un regard très enfantin…
Comment avez-vous choisi votre casting ?Une fois le scénario écrit, on s’est dit, avec mes producteurs, que pour parvenir à faire ce film, il nous faudrait des gros calibres, de pointures d’acteurs. Alors, on a établit une liste et on s’est dit qu’elle ferait office de juge de paix. Si trois acteurs sur cinq disaient non, on ferait une croix sur le projet. Il fallait un accord viscéral, profond, entre les acteurs et leurs rôles. De ce point de vue, les comédiens sont de bons lecteurs. L’époque, les codes de l’époque et du milieu, soit ça leur parlait, soit pas du tout. Et bien ils ont tous les cinq eu un vrai désir de lire ce scénario vite et ils ont vite dit oui. On a envoyé le scénario en premier à Daniel, qui était enthousiaste et m’a fait cadeau de ces coups de fil comme on les aime, l’acteur qui vous réveille à sept heures du matin en vous disant : « Je ne peux pas attendre pour te dire que j’adore… ». A ce moment là, presque tout le travail est fait. Quand des acteurs réagissent comme ça et ils ont tous les cinq réagis comme ça, c’est qu’ils ont déjà le rôle dans la main. C’est quelque chose de viscéral. C’est bon signe.Sur le plateau, vous faisiez la mise en place avant d’appeler les comédiens…C’est la première fois de ma carrière que j’ai organisé les choses ainsi et j’ignore encore pourquoi. Mais cela donnait un vrai confort aux acteurs, cela les rassurait. Leur présence ne faisait que bonifier la mise en place. Donc, on a fait peu de répétitions et peu de prises. De toute façon, dans un film de genre, on sait tout de suite que la prise est bonne. Il faut être modeste par rapport au genre, sinon on tombe dans l’esthétisme. Et il faut aussi se souvenir que le genre passe après l’histoire, qui en l’occurrence est incroyablement solide. Et comme j’avais un casting vraiment juste, les choses étaient vite évidentes. On fait une prise pour se chauffer et la deuxième est souvent la bonne. On en fait trois ou quatre s’il y a eu un truc raté, un problème technique, un mot qu’on n’a pas bien compris… Clint Eastwood est à l’école de la première prise. Moi, je dirais que cela dépend des films. Parfois la direction a besoin d’être plus incertaine. Mais, sur ce plateau, multiplier les prises, cela aurait épuisé les acteurs pour rien. De toute façon, dès la mise en place, on voyait bien quand la caméra n’avait pas sa bonne place. C’était un tournage intense, mais pas fatiguant. Je n’ai pas ressenti ce creux qu’on éprouve à la troisième semaine de tournage, je n’étais pas fatigué les dernières semaines. On était dedans, on sentait qu’on tenait quelque chose, on était très concentré et les acteurs carburaient tous.Chaque cadre est intéressant, mais sans jamais être « frimeur »…Parce que chaque cadre est au service de l’action. J’ai veillé à ce que les cadres soient à la fois justes et inattendus. Je n’ai pas cherché à décorer l’histoire, mais à la raconter le mieux possible. Ce film raconte une tragédie, il y avait donc une liturgie à trouver. J’avais deux gardes fous. Le premier : fuir le naturalisme, sortir de la réalité, en créer une qui n’appartienne qu’au film. Le second : ne jamais devenir solennel, ni théâtral. C’est un mélange excitant, qui débouche sur le lyrisme et on le sent tout de suite sur le plateau. Il fallait créer le temps et la réalité du film. On est au début des années soixante, on voulait fuir les couleurs typiques du genre, c'est-à-dire le noir et blanc ou le bleu acier froid. En préparation, je répétais à l’équipe : « Oubliez votre bon goût, fuyez les camaïeux de gris et de beige ! ».
Il y a quelques scènes d’action que vous avez filmées au ralenti…Je pensais, à l’écriture, que seul la mort de Gu serait au ralenti. A la préparation, on a évolué là-dessus. J’ai intoxiqué l’équipe de cinéma asiatique. Il nous a appris à chorégraphier la mort et la violence. La mort de Gu, on l’a filmé à cent vingt images/ seconde, ce qui est beaucoup. Le ralenti, c’est quelque chose d’organique, de viscéral. Le résultat est certes esthétisant. Mais c’est devenu un mode visuel narratif comme un autre. Vous savez le culte que je porte à Sam Peckinpah… Il a porté le montage des ralentis à un point d’excellence. Il était incroyablement virtuose dans ces mosaïques très modernes.
Pour ce film, vous avez travaillé avec des acteurs nouveaux dans votre troupe…Il fallait une troupe à la mesure de ce film. Personnellement, j’avais une longue histoire de ratage avec Daniel. Mais on a bien fait d’attendre… Daniel est tellement mobilisé, précis, concentré, c’est un cadeau perpétuel. Avec ce film, il a franchi un cap. Il dit qu’après Ugolin, Gu est une nouvelle étape dans sa carrière. On sent, même si chaque film est important, quand on franchit une marche.
Sur ce film, j’ai retrouvé Michel Blanc qui, au fil des années, n’a fait que s’enrichir. Comme Daniel Auteuil, Michel est un grand acteur de comédie qui joue totalement la situation. Il fait rire parce qu’il est désespéré. Donc, forcément c’est un grand acteur dans la tragédie aussi. Il est très grand.
Avec Jacques Dutronc, c’est une grande histoire d’amour. On s’est tout de suite plu, dès notre première rencontre en Corse. On était dans le jardin. J’ai posé le scénario devant lui et je lui ai dit : « Tu n’as pas besoin de lire, le vent tourne les pages pour toi ». Ajoutez à cela le fait qu’il ait eu une Bentley dans sa jeunesse… Jacques est un vrai dandy. Il veut toujours avoir l’air de rien faire, mais il bosse, il est hyper concentré, il sait son texte au cordeau, et il négocie les phrases de dialogue comme un musicien, avec une finesse, une précision, une émotion… Il compose un Orloff magnifique.
Monica, cela aurait été compliqué de pas l’avoir. C’est elle qui a eu l’idée d’être blonde, et elle avait raison, tant sur l’époque que sur le personnage. J’étais ravi qu’elle ait eu cette idée, parce que cela me montrait qu’elle était déjà dedans, dans le film et dans le rôle. Monica a la capacité très rare d’exprimer ses sentiments en toute liberté. Elle sait faire surgir d’un coup le peu ou le trop-plein d’émotions. Elle apporte une élégance, une simplicité, elle est lumineuse, et plus que belle. La blondeur la rend encore plus charnelle, pulpeuse et mythologique. La blondeur renvoie aux codes, comme la cigarette, les robes ajustées….Comment avez-vous pensé à Cantona ?Alban, c’était le plus compliqué à trouver… Alban sort de son village corse. C’est un enfant, une tombe, il est d’une dévotion sincère et totale. Il ne faut pas le jouer en faisant des efforts pour rentrer dans sa peau. C’est difficile d’avoir ce côté d’une seule pièce. Un matin, j’ai pensé à Eric, et aussitôt, cela m’a paru évident. Après avoir lu le scénario, il m’a répondu une phrase qu’Alban aurait pu dire : « Je pense que j’aimerais défendre ce personnage ». Eric, il sort des pages du livre. Alban, c’est lui. Eric appartient au monde de José. Ils se seraient reniflés comme étant des frères. Il est un grand comédien, il a la modestie, le doute des grands.
Gilbert Melki était réticent sur le rôle parce qu’il trouvait qu’il n’avait pas beaucoup de scènes à défendre. Je l’ai persuadé, et heureusement, car plus il est salaud, plus il est drôle. Entre Gu et Jo, il m’est apparu au montage que Gu cristallise sa fureur sur Jo, comme s’il était le symbole de tout ce qui ne va plus sur terre. Tout ça, c’est la faute de Jo… C’est le jeu de Melki qui a imposé ça.
Nicolas Duvauchelle incarne celui en qui Gu se reconnaît. Nicolas incarne le genre de personnage autour duquel j’ai tourné dans mes films précédents. C’est un type d’aujourd’hui, il est pour Auteuil ce qu’était Depardieu pour Montand. « Les motards, c’est nous et personne d’autre ». Ils sont amis dans le mal absolu. Il y a entre eux un lien très fort qui va se retourner à la fin. Le fils voudra tuer le père. Antoine en s’embarquant avec Jo devient l’ennemi direct de Gu. J’ai accentué cela par rapport au livre. Gu sait qu’en tuant Antoine, il se tue lui-même, ce crime marque sa fin, il tue son fils et avec lui sa dernière chance.C’est aussi la première fois que vous collaborez avec Bruno Coulais…J’avais très envie de le rencontrer, notamment à cause des « Rivières pourpres », de ses talents symphoniques, de ses polyphonies corses. On s’est découvert un amour commun pour Howard Shore… Je savais que sur ce film il me faudrait un compositeur unique, aux commandes de tout le film. Il a compris très vite le style du film. Dès sa première maquette, tout était là : l’univers en suspension, purement tragique, dramatique, une musique jamais synchrone avec l’image dans le sens direct du terme, qui donnerait aux images l’oxygène nécessaire. J’ai pu faire tout le montage avec ses maquettes. Même s’il fait très bien des compositions légères comme « Les choristes », il a un univers tragique en lui, sans désespoir, avec toujours un sentiment d’humanité.
Que pensez-vous du film ?Je suis incapable d’être spectateur d’un film que je fais… Au montage j’ai eu des bonnes surprises sur des intentions très formalisées de tournage, j’ai vu en les montant qu’elles fonctionnaient et surtout, j’ai été admiratif de la continuité narrative des acteurs dans leur jeu. Daniel réussit des tours d’écrou où il est de plus en plus lui-même ou de moins en moins…
Je serais très content qu’à travers ce film on rende enfin justice au talent de José. Les thèmes qu’on dit « Melvilliens » sont portés à cette incandescence par lui. Que ce soit « Le trou », « Classe tous risques » ou « Le deuxième souffle » réalisés par trois metteurs en scène très différents, l’univers est homogène, il vient de ses livres.Ce titre « le deuxième souffle » prend tout son sens quand on connait la vie de José Giovanni…Oui, car José a eu deux vies, la taule puis la rédemption. Et cette rédemption a pu exister à cause de son passé. Ce passé est devenu sa richesse… Et la nôtre aujourd’hui.
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Daniel
AuteuilAlain Corneau raconte que vous l’avez réveillé à sept heures du matin, pour lui dire votre enthousiasme…Dès la lecture, je me suis dit que ce rôle, ce scénario, cette aventure étaient un cadeau. C’est une histoire magnifique, une grande tragédie intemporelle, un rôle mythique autant pour un acteur que pour un spectateur : chacun veut jouer ou être Gu…Qu’est-ce qui rend ce rôle mythique ?Le fait que, quand Gu s’évade, après un bon nombre d’années en prison, il soit autant décalé dans son époque. Il est moralement déphasé. Il croit encore, en tant que gangster, au respect de la parole donnée et d’une certaine hiérarchie. Attention, je ne dis pas que la parole donnée soit une affaire d’époque. La parole est indispensable quelque soit l’époque et la profession. Chacun a le choix entre être un homme ou être une lope… Mais Gu est décalé. Quand il s’évade, il découvre que son monde a changé, que tous n’appliquent plus les mêmes règles. Heureusement l’amitié, autre valeur fondamentale, est toujours là. Gu a encore des amis.José Giovanni aimait citer cette phrase connue chez les gangsters : « Si tu as deux amis, c’est deux de plus que tout le monde… »En fait, tant que ces types occupent un rang et sont craints, ils sont très entourés, ils ont plein d’amis. Gu a la chance de retrouver à sa sortie de prison, un bon réseau d’amis qui occupent encore la place.
Comment se prépare-t-on au rôle de Gu ?Le scénario étant très proche de l’esprit du livre de Giovanni, pour ne pas trop relire le scénario, j’ai beaucoup lu le livre. Je me suis imprégné de ces gens, de cette époque, des dialogues et des descriptions de Giovanni. Ça, c’est pour avant. Parce que là, quand je joue, je ne sais pas. Quand je tourne, je suis à l‘écoute des autres, je m’imprègne de tout ce qui se passe : le jeu avec mes partenaires, le rapport avec le metteur en scène, mais aussi les décors, les lumières, l’atmosphère de la scène. Je suis dans une sorte de flottement, je sens que tout est en place, je ne suis pas dans la psychanalyse ou la réflexion, je suis uniquement dans l’action, surtout pour ce rôle. Ce qui nous entoure est suffisamment fort pour être dans l’euphorie, l’excitation, le plaisir, la jubilation de l’état de jeu. Je retrouve des sensations d’enfant de cinq ans… Cela tombe bien pour jouer Gu, qui a quelque chose d’enfantin, il a une vision assez manichéenne et enfantine de la vie, comme souvent chez ce type de gangsters. Ils sont axés sur les objets, les revolvers, les voitures, le look, les accessoires. Et puis il y a cette part d’intense adrénaline qu’on ressent quand on va faire un coup, qui est un refus de la réalité, du quotidien.Quel genre de rapport ont Gu et Orloff selon vous ?Ils ont en commun un certain art de faire. Chacun est un seigneur dans sa catégorie et tous deux s’en souviennent. Il y a entre eux une admiration réciproque. En plus, ils ont les mêmes goûts… Il y a aussi de l’admiration entre Gu et Blot. Bien sûr, Blot ne rêve pas un instant d’être Gu, mais souvent chacun admire les coups de l’autre, comme cela peut être le cas entre la proie et le chasseur. Chacun surprend l’autre.
Une chose les sépare : Blot parle beaucoup, on dirait presque qu’il s’écoute parler, alors qu’il y a une grande économie de mots chez Gu…Blot fait des tirades, des monologues, tandis que Gu choisit ses mots avec une très grande précision. Chaque mot de lui, c’est de la nitroglycérine. Gu est un homme intense, très tendu. Il a du poids et use des mots avec beaucoup de parcimonie et de justesse, dans un vocabulaire très typé de son milieu. Il y a des images très fortes dans ses mots. C’est un plaisir pour un acteur d’avoir à sa disposition comme outils ces pierres préhistoriques forgées dans cette langue-là. C’est du vrai travail d’artisan. Il n’y a plus qu’à les dire, ces mots. Ils sont tellement justes…
Gu parle peu, et pourtant il va se faire piéger et se mettre à parler…Peut-être que ce sont les autres qui ont raison, peut-être qu’il est trop vieux. Moi, je pense que, vingt ans plus tôt, il aurait senti le piège qu’on lui tendait. Dans l’action, comme dans l’instinct, il a vieilli. Mais attention : il réagit. Son deuxième souffle, c’est sa renaissance, après le casse il refait le beau, il se sent beau. Et puis, il est aidé, il a de la chance. Ses deux amis sont les bons amis à avoir. Manouche représente à la fois sa chance et sa perte. Sans elle, il n’aurait peut-être pas jugé utile de participer au casse. Il le fait, pour ne pas partir avec son argent à elle et c’est normal, il agit en fonction de sa dignité d’homme, de son honneur. Ce film, c’est l’histoire d’un homme qui suit son destin. C’est inéluctable. Ces destins là, en tant que spectateur, ça me rend malade, ça me pétrifie. C’est terrible de regarder et de s’identifier à quelqu’un que rien ne peut arrêter, que rien ne peut dévier, même pas l’amour d’une femme exceptionnelle. Gu n’a recours à son instinct de survie que pour sauver son honneur, mais pas sa vie. C’est magnifique et c’est ce qui le rend très bouleversant.Pourquoi selon vous utilise-t-il toujours la même arme ?Je crois qu’il a décidé avant tout le monde que c’était cuit, donc il avance à visage découvert pour signer la mort des autres. Je dis mort, je n’ai pas dit meurtre ni crime, moi je ne peux pas, pour moi Gu c’est un chevalier… Il signe sa vengeance. De toute façon, il s’est juré qu’il ne retournera jamais en tôle, donc il n’a rien à perdre.Enfin, vous tournez un film sous la direction d’Alain Corneau…Cela faisait 16 ans, depuis 1990, qu’on essayait de travailler ensemble. Il y a eu trois tentatives. La quatrième est la bonne et vu ce qu’on est en train de faire ensemble, je me dis qu’on a bien fait d’attendre... Alain, il a une qualité que très peu ont encore, c’est une volonté de traiter les sujets, le tournage, l’aventure avec une extrême rigueur à chaque niveau et à chaque étape, que ce soit dans l’écriture, le choix du casting, la préparation. Mais il fait tout ça avec une jubilation enfantine. Et le tournage est très agréable à cause de cette jubilation d’enfance, et de son rapport très ouvert aux autres. C’est un tournage qui nous glisse entre les doigts comme des semaines de vacances. C’est franchement assez exceptionnel. Cela tient beaucoup à lui. Moi, quand j’arrive sur un film, je ne veux rien savoir d’avance, je ne veux pas connaître les décors par exemple. Pour éviter toute forme d’ennui, je n’anticipe pas. Je sais très bien vivre l’instant présent, et en profiter pleinement car par définition, cet instant passe très vite. Je suis très spectateur de tout et donc, très épaté par la constance de l’énergie, du plaisir et de la qualité des relations humaines sur ce tournage. Vraiment très épaté. Et chaque jour on se nourrit aussi de ça. On est forts de nous-mêmes.Parlons de vos partenaires. Vous aviez déjà tourné avec Monica Bellucci. Qu’est-ce qui la caractérise, et je ne parle pas de son physique…Mais son physique compte aussi... Monica est une partenaire exceptionnelle pour un acteur, car elle donne d’emblée ce que l’autre attend d’elle. On n’est jamais déçu par elle. Elle est très généreuse dans son jeu, elle donne des émotions. En plus, humainement, c’est une fille que j’aime beaucoup.
C’est la première fois que je joue avec Jacques Dutronc. Il est tout à fait exceptionnellement épatant dans ce personnage de gangster un peu décalé, solitaire, qui a ses règles bien à lui. Contrairement à Gu, il a un instinct de conservation très aigu... J’aime aussi la relation entre Orloff et Manouche. Elle a un instinct de survie mille fois plus développé que quiconque. On sent qu’elle ne sera plus jamais pauvre, ni seule. Sans ça, elle ne peut pas vivre. Elle commence veuve, puis avec Gu et finira avec Orloff avec la bénédiction de Gu qu’elle aime vraiment. C’est une grande et belle histoire d’amour entre elle et Gu. Et Orloff est fasciné par elle. Je crois que c’est peut-être la première fois qu’il tombe amoureux. Tandis que Blot, qui a le sens des réalités, a un intense béguin lucide pour Manouche. Dutronc incarne un homme droit, solitaire, mais une sorte d’arbitre, tandis que Michel Blanc joue un personnage bien plus opaque, qui porte un regard très pointu et perçant sur les personnages qui l’entourent. Quel bon casting…Parmi les scènes que vous avez déjà tournées, lesquelles vous ont le plus marqué?Honnêtement, j’ai tout oublié de ce qu’on a déjà fait. Je suis dans l’instant, j’engloutis les actions, les émotions. Il n’y a pas une scène qui ne soit jubilatoire, de part la construction du scénario. Rendez-vous compte : il n’y a aucune scène d’exposition, on est à vif chaque jour. C’est un plaisir d’enfant. Chaque jour quand je joue, j’ai 10 ans ! Je retrouve le même état de jeu que quand j’étais petit, quand je tirais avec les doigts en faisant le bruit de la balle. Mais quand on était celui qui était tué, cela faisait aussi mal… Etre acteur, c’est totalement lié à l’enfance. Les hommes sont fait de cette multiplicité, on est dix mille choses, bon, mauvais, salaud, héros… Ce métier m’aide à assumer ça. Il m’aide à ne pas devenir dingue avec ça…
Vous n’êtes pas tenté par la mise en scène ?Je n’ai aucune envie de mettre en scène. D’abord, j’ai la chance d’avoir de grands metteurs en scène qui me demandent, donc je n’ai aucune frustration, et je me sens créateur dans mon métier d’acteur. Si j’étais derrière la caméra, je ne saurais pas où la placer. En revanche, quand je suis devant, si elle est mal placée, je le sens tout de suite. Je sais où est ma place
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Monica
BellucciVous avez accepté le rôle aussitôt après avoir lu le scénario…Bien sûr ! D’abord, le scénario était impressionnant. Et puis j’avais très envie de travailler avec Alain Corneau, je rêvais d’être sur un plateau avec lui, et j’avais raison d’en rêver : chaque jour passé avec lui est une leçon de cinéma. Pour une italienne, jouer dans un film français de cette ambition, c’est une chance incroyable. Et puis Manouche est une femme incroyable.
Décrivez-nous Manouche comme vous la voyez…Manouche représente une époque où les femmes avaient une manière d’être très différente. Elle vient de la rue, mais elle s’est reconstruite. Elle voulait appartenir à une autre classe sociale. Elle est devenue riche, elle incarne une bourgeoise, mais sa vraie nature est restée celle d’une gitane. C’est ça Manouche : une surface élégante, qui cache une nature sauvage. Cette double personnalité est très intéressante à jouer.
Manouche est née parmi les gangsters. Leur monde est le seul qu’elle connait. Le premier homme de sa vie, Paul, elle le rencontre à 16 ans et il la surnomme Manouche parce qu’elle aime danser et porter des couleurs vives. Cette réalité des gangsters, ce monde cruel et violent, elle le connaît par cœur, elle en respecte les règles et les principes.
Derrière son image lisse et posée, on sent qu’elle tire les ficelles…En cela, elle est une vraie héroïne de film noir, c'est-à-dire un univers d’hommes perturbés par la présence d’une femme. On pense que les hommes dictent les règles, mais derrière chaque homme il y a une femme, et derrière Gu, il y a Manouche. Elle sait que cet homme est voué à une tragédie dont même elle ne peut pas le sauver. Elle essaye de lutter contre ce destin, car c’est une femme qui amène la lumière. Mais autour d’elle le destin est déjà écrit. Elle lutte pour sauver Gu, même si elle sait qu’il est destiné à la mort. Et en essayant d’échapper à cette tragédie, elle aussi trouvera peut-être son deuxième souffle.
Vous avez voulu que Manouche soit blonde…Trouver le physique d’un rôle aide beaucoup à le construire. Après avoir lu le scénario, j’ai pensé aux actrices françaises de cette époque, fin 50, début 60, qui m’ont inspirées : Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, cette époque où les femmes avaient un corps très dessiné, et des cheveux blonds. Et soudain c’est devenu une évidence : voilà, Manouche est blonde. A l’époque, l’imaginaire de la féminité passait par la blondeur. Une blondeur avec des racines un peu foncées, car ce n’est pas sa vraie couleur. Elle s’est faite blonde, cela fait partie de l’image qu’elle s’est construite pour se sauver, pour devenir autre chose qu’une fille de la rue. Cette femme blonde et élégante qu’elle devient est une image qui la protège et lui donne une apparence bourgeoise, ce qu’elle n’est pas du tout.
Et Alain Corneau a été difficile à convaincre ?Pas du tout. Il m’a fait confiance, on a fait des essais. Cette Manouche blonde perchée sur ses talons, avec son maquillage soigné, ses robes ajustées, elle a été là tout de suite... C’est d’ailleurs rare un metteur en scène qui s’intéresse autant à la façon dont on construit physiquement son personnage. Il s’est beaucoup intéressé à la construction physique de Manouche, il était très présent à la préparation du personnage : cheveux, maquillage, costumes. De toute façon, il est très attentif à tout…
Manouche, c’est aussi une grande amoureuse…Dans ce monde violent qui est le sien, elle sait mentir si c’est nécessaire, mais surtout elle sait aimer et elle est prête à se sacrifier pour son amour. Elle peut avoir une vraie violence, elle peut baratiner les autres, mais elle est très honnête envers les sentiments que Gu lui inspire. Je crois qu’au fond, elle a toujours su qu’elle l’aimait. Quand elle apprend son évasion, on sent qu’elle est bouleversée. Dans le livre, on dit qu’elle était attirée par lui dès leur première rencontre, mais à l’époque, elle est avec Paul et lui reste fidèle. Même si Gu n’est pas ce qu’on appelle un bel homme, elle est attirée par sa force morale. Elle sent qu’il pourrait la protéger. L’attraction physique est très forte entre eux, car Manouche est une sensuelle, une charnelle. Donc, elle est attirée physiquement, et moralement. C’est une belle histoire entre deux adultes lucides. Ils viennent de loin, chacun. Elle a vu beaucoup de gens mourir autour d’elle. Elle a appris à se défendre. Mais elle ne peut exister que si elle a un homme à ses côtés, car elle a besoin d’une protection dans ce milieu. Quand elle comprend qu’avec Gu, elle va vers sa mort, quand elle comprend qu’elle ne peut plus rien faire pour lui, alors son instinct animal la pousse vers Orloff. C’est la loi de la jungle. Manouche a un instinct très sûr et un attachement à la vie très profond. Elle veut essayer de vivre le plus longtemps possible. Orloff sera son deuxième souffle, sa dernière chance.Vous êtes bien entourée dans le film…J’ai bien conscience que j’ai la chance de jouer avec la crème du cinéma français. Ces acteurs là étaient à des années lumière de moi il y a encore peu de temps. Jouer avec eux rend votre travail très facile, car ils sont une source d’inspiration constante quand ils jouent face à vous, leur jeu est simple et naturel, ce n’est pas du tout paralysant, bien au contraire, cela m’inspire, cela me donne envie de me dépasser. En plus, ces hommes là ont dans la vie un charme fou. Ils ont un regard, une masculinité, mais aussi la fragilité qu’ont les grands acteurs. Quand ils jouent, on dirait que rien n’est écrit, qu’eux même inventent les mots et du coup les mots n’ont plus de poids. On joue, mais on croit tellement à ce qui se passe entre nous qu’on ne sent plus le jeu.L’atmosphère n’est pas tendue sur le plateau…C’est un plateau où chacun est très concentré. Et nous on se sent choyé car Alain Corneau protège ses acteurs. Son amour pour le cinéma se traduit au quotidien par un respect pour nous, il nous soigne, il nous protège. On se sent aimé et respecté, c’est un plaisir. On travaille tous, acteurs et équipe, dans une grande concentration, il n’y aucune perte de temps. Chacun est détendu parce que chacun est à sa place, la connait, et la tient. Alain Corneau fait peu de prises, ou, plus exactement, il fait toutes celles dont il a besoin jusqu’à ce qu’il ait la bonne. Quand il l’a, il le sait, il le dit et il passe à la suivante. On sent son expérience. Dans ces conditions, c’est difficile de se tromper, mais si on se trompe, il est là, il voit tout, et ça m’a donné confiance de savoir que si je trébuchais, il serait là pour me rattraper.Que pensez-vous des partis-pris esthétiques du film ?Réaliser un film qui soit en même temps moderne et intemporel, bouleverser les couleurs du genre pour le mythifier, faire rentrer l’influence asiatique dans le film noir français, ça me plait énormément. Je trouve cela très intelligent. Avec Bertrand Blier j’incarnais une femme sublimée, tandis qu’ici, je suis à l’opposé. Manouche est une femme très réelle.
Et comment vous sentez-vous en blonde ?Là, maintenant, je SUIS blonde. Le premier jour, j’avais peur, je voulais que tous y croient sur le plateau. Aussi, il fallait créer cette blondeur, trouver la lumière et la couleur de teint qui allait avec la blondeur. Maintenant, quand je vais redevenir brune, ça va être un choc pour moi…
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Michel Blanc
Il est très atypique, ce commissaire Blot…C’est quelqu’un qui cache, derrière un coté un peu théâtral et un humour à froid, une grande blessure. Il s’exprime très bien. Il est prolixe, mais jamais condescendant. Cela se voit, par exemple, dans sa façon d’apprendre le métier à son adjoint : il le titille par jeu, mais il n’a jamais de mépris pour lui.
Il n’en n’a pas non plus envers les truands…Non, il les connait trop bien… Il a une sorte d’intimité avec les truands, c’est un monde qu’il connait parfaitement et il sait comment jouer avec eux, comme un chat avec des souris. Par exemple, dans la scène où il va voir Jo Ricci dans son bar, il est très tortueux avec lui. Ou aussi la scène chez Manouche, quand il explique à ses collègues qu’il est inutile d’interroger les présents, puisque personne n’aura rien vu. C’est une façon de dire à ces truands : allez, ne nous prenez pas pour des idiots, on a compris, donc on ne va même pas vous poser des questions, faut pas me la faire, et au passage, je vais un peu me payer votre tête… Non, pour revenir à la question, le seul pour lequel Blot a du mépris, c’est Fardiano, parce que c’est un flic pourri, qui emploie de sales méthodes, et cela entache l’honneur de Blot.
Est-ce qu’on peut dire que Blot a du respect pour Gu ?Oui et ce respect est mutuel. Par exemple, à la fin, Gu attend que Blot sorte de son champ d’action pour commencer la fusillade. Et Blot essaye de convaincre Gu de ne pas se lancer dans ce baroud d’honneur suicidaire. Blot est là pour empêcher les truands de nuire, il est même capable d’user de moyens un peu machiavéliques, mais il respecte Gu, même quand il le piège. C’est son adversaire, il veut l’avoir, mais sans l’humilier. Blot donnera le carnet de Gu pour lui rendre son honneur, il est en quelque sorte son exécuteur testamentaire : il exauce son ultime volonté. Il est respectueux de ce que Gu a de beau.Blot apprécie aussi beaucoup Manouche…Il est touché par elle. Et à la fin du film, il choisit de sauver son avenir. Il lui ment pour l’aider à passer à une autre vie…
Dans « Monsieur Hire » de Patrice Leconte, vous endossiez le rôle tenu par Michel Simon dans le film de Duvivier. Là, vous reprenez le rôle tenu par Paul Meurisse…… Et dans les deux cas, j’ai décidé de ne pas y penser. Chaque réalisateur apporte un nouveau regard, donc il faut s’en tenir au scénario. Et comme Alain Corneau a choisi de retourner aux sources, c'est-à-dire au roman de José Giovanni, j’ai la chance d’avoir à jouer la blessure de Blot, cette faille qu’il porte en lui et qu’il révèle au détour d’une scène. Cela change tout. Cet homme a de l’aisance, de l’assurance, mais au fond de lui quelque chose est définitivement brisé. Son brio est un vernis, il faut qu’on sente qu’il pourrait craquer à tout moment. Donc « mon » Blot est plus roublard, moins monolithique. Il a la cinquantaine, comme moi, donc, comme moi, il porte des lunettes et celles-ci sont d’époque. Elles tombent plus bas sur les paupières, c’est comme le costume, cela aide à se tenir autrement. Là, j’ai quasiment tout le temps un chapeau, que je ne retire jamais devant les truands. Tout cela vous plonge dans une forme d’inconfort qui peut vous aider à jouer. Par exemple, le col dur de la chemise fait qu’on se tient plus droit, ça participe à l’attitude un peu hautaine du personnage.
Vous aviez déjà tourné avec Alain Corneau une fiction au Pakistan…
Et ce fût une aventure incroyable, assez limite, car on tournait à la frontière afghane, c’était « chaud » et on a tous les deux gardé un souvenir très fort de cette aventure là.
J’avais très envie de retravailler avec lui, parce qu’il sait vraiment ce qu’il veut. Les metteurs en scène ne sont pas tous comme ça… En plus il est d’une culture extraordinaire, il en connait autant en musique qu’en cinéma. C’est un homme subtil, exigeant, toujours à la recherche de la vérité du personnage et de la situation. On se sent porté par lui. Il a une manière de dire peu qui en dit long… On s’était parlé du personnage avant le tournage. Il voulait qu’on sente la brisure interne du personnage, et je l’ai construit dans ce sens. Il corrige ce qui ne va pas sans bavardage inutile, sans prise de tête. Il n’est pas du genre à vous raconter que le personnage est tombé d’une échelle rouge quand il avait trois ans…Comment avez-vous travaillé pour retenir ces longues tirades ?Il y a une seule méthode pour retenir son texte : s’y prendre à l’avance ! Pour un tournage en novembre, j’ai commencé à apprendre mes dialogues en août. Blot n’arrête pas de parler. Alors, pour lui apporter de la subtilité, le nuancer, il faut maitriser le texte à cent pour cent. Il faut toujours éviter de devenir mécanique afin de laisser venir les choses et laisser au texte le temps d’infuser en vous. Le travail, c’est ce qui rend ce métier passionnant, c’est plus enrichissant de connaître son texte, de l’avoir absorbé, d’en faire un prolongement de vous, que d’apprendre ses dialogues au maquillage… C’est un artisanat, le métier d’acteur.
Comme Daniel Auteuil, que vous aviez mis en scène dans « Mauvaise passe », vous avez d’abord été reconnu pour vos talents de comédie…Oui, mais Daniel a une dimension de séducteur qui lui a permis de passer plus vite d’un emploi comique à des rôles plus dramatiques. Moi, avec « Monsieur Hire », je suis passé des comiques aux timbrés et lentement, j’ai évolué jusqu’à incarner des gens normaux. Avec le temps on évolue aussi. Je suis plus à l’aise, j’ai gagné en épaisseur, en patine. Il y a quelques années, j’aurais joué un Blot plus sur le déséquilibre et la fragilité, je l’aurais sans doute rendu trop névrotique. Cette année, j’ai incarné tous les genres de rôles, j’ai eu la chance de sortir d’un emploi trop précis.
Pour en revenir à Daniel Auteuil, nous n’avons que deux scènes ensemble, dont une où il est criblé de balles… Il a une vraie violence en lui, on croit tout à fait au tueur qu’il incarne. On sent que Gu est dangereux, alors que ce n’est pas du tout ce que Daniel dégage dans la vie. Il parvient dans ce rôle à trouver en lui des montées en puissance, en violence, il est capable d’une rage effrayante.Vous n’aviez jamais travaillé avec Monica Bellucci ni avec Eric Cantona…La première scène qu’on a tournée ensemble Monica et moi est celle qui se déroule dans mon bureau. C’est une scène intéressante, Blot lui parle avec une grande sincérité. Et Monica m’a beaucoup donné dans cette scène, un vrai regard, bien au delà de la justesse. Il émane d’elle quand elle joue une profonde et sincère générosité. Elle dégage quelque chose de rayonnant qui vous aide à jouer.
Quand à Cantona, il a une stature phénoménale. Il est formidable comme acteur, il a un regard… C’est énorme ce qu’on reçoit quand on joue avec lui. Et c’est un être adorable dans la vie, attentif, chaleureux, presque timide… Notre scène ensemble dans la voiture, c’est une idée formidable d’Alain Corneau. On ne pouvait pas marcher l’un à côté de l’autre, il est si grand, des talonnettes ne m’auraient pas suffi, il m’aurait fallu une table ! Et du coup, cela devient une scène surprenante, dans laquelle je le cuisine sans le laisser lire sur mon visage, puisqu’il est assis derrière moi. C’est aussi cela l’art de la mise en scène… -
Jacques
DutroncOrloff semble tout savoir sur tout le monde, et il ne dévoile rien sur lui…L’âge lui a appris des choses. Il a sans doute un passé assez lourd, mais il a une certaine élégance dans ses délits, et une instruction plus élevée que d’autres. Il est très fidèle en amitié. Pourquoi on le respecte ? Je l’ignore, mais à jouer c’est tant mieux ! On ne va jamais chez Orloff, on ne sait pas où il habite, on sait peu de choses sur lui et c’est bien ainsi. Il faut laisser aux spectateurs leur petite part d’écriture mentale…Vous êtes vous interrogé sur le lien, le passé qu’il a avec Gu ?Je ne cherche pas à connaitre les coulisses, le passé d’un rôle. Ça ne me fait pas avancer dans le jeu. Je préfère m’inspirer de que je ressens, une fois en costume, dans le décor, avec les autres. Orloff apprécie Gu parce que c’est un vrai, un pur, pas une lope. En plus, sa fiancée est belle…Orloff refuse de tuer. Parce qu’il l’a fait et le regrette, ou parce qu’il ne l’a jamais fait?
Je préfèrerais qu’il soit spécialisé dans les casses bien gambergés, sans avoir jamais eu à provoquer la moindre effusion de sang. Orloff est plutôt du genre à ne pas tuer uniquement pour toucher un magot. Il y a deux catégories de voyous. Ceux qui ont une morale et pas de scrupules et ceux qui ont des scrupules, mais aucune morale. Orloff navigue entre les deux, tout dépend de qui il a en face. Je dirais qu’il a une morale et pas de scrupules. Mais jusqu’où va la morale ???Vous avez tout de suite eu envie de jouer dans ce film ?Giovanni par Corneau, franchement, qui hésiterait ? J’avais rencontré José Giovanni. Un type formidable. Tout ce qu’il dit est bien. Cela devrait être enseigné à l’école. Il avait une éthique, liée aux valeurs de son époque. A chaque époque son type de gangsters. Aujourd’hui, ce sont des voyous qui exercent dans l’informatique, les combines bancaires, les délits d’initiés. Il y a bien encore quelques roquettes tirées sur des fourgons, mais c’est une autre démarche, une autre mentalité, cela ne fonctionne plus avec les mêmes hiérarchies. A l’époque de Giovanni, chez les voyous, il y avait un genre d’arbitre, d’avocat, c’était un arménien qui arrangeait les conflits. Quand deux types étaient en conflit, on allait le voir. Il tranchait et on le suivait. C’était nickel, sa décision était approuvée sans appel. Orloff m’a fait un peu penser à lui. Il fait le médiateur vis a vis de son pote Gu, il prend des risques, il va au charbon, avec son « Zig » dans la fouille…On dit souvent que le costume aide à entrer dans un rôle…Ah, mais celui là est fait sur mesure ! Il va avec la Bentley, une vraie avec la conduite à droite, c’est mieux pour embrasser celle qui monte à côté. Orloff, c’est marrant, ce nom me rappelle mon enfance, Chaussée d’Antin, dans ma rue, il y avait une épicerie fine avec du saumon en vitrine, le magasin s’appelait Orloff. Celui que j’incarne a fait ses études en Angleterre, d’où le « Eden » en guise de chapeau, peut-être. Quand je suis arrivé sur le plateau, en tenue, Alain m’a dit que José aurait été ravi de voir Orloff comme ça…Vous n’aviez jamais travaillé avec Alain Corneau…Avec lui, on a vraiment l’impression d’avoir un vrai metteur en scène en face de soi. A mon avis, c’est le seul qui reste, heureusement qu’il est en bonne santé ! Humainement n’en parlons pas. Il a l’auréole. C’est quelqu’un de formidable. Quand il y a une arme, ou qu’on parle d’armes, ses yeux brillent et j’aime sa passion. Corneau ne fait pas de psychanalyse. Ce qu’il demande est très précis, l’écriture du scénario aussi est très précise, certaines phrases sont difficiles à dire. C’est un texte particulier à apprendre. Rien n’est appuyé. C’est clair et net. Pas de mots inutiles. Quand il est venu en Corse chez moi me proposer le rôle, j’ai dit oui tout de suite, c’était un honneur pour moi. Quand il est parti, je lui ai envoyé un texto : « Merci d’être venu, signé Orloff ». En une après midi, j’ai changé de nom, j’ai demandé à tout le monde de m’appeller Orloff.Parlez-nous de vos partenaires…Ma partenaire est blonde, mais pas idiote, car au départ, elle est brune… Elle est plus que jolie et parfaite pour le rôle. On dessine des courbes avec ses mains quand on parle d’elle. Elle est aussi très sympathique. Comme le film est formidable, il va y avoir une suite, dans laquelle elle s’appellera Simona. Et Orloff choisira alors de s’appeler Stanislas… Eric Cantona est génial. Je regrette de ne pas jouer avec lui. Quand à Blot, ce cher Michael White, je parle de lui dans le film mais je ne le croise jamais.
Vous êtes le seul à prononcer le nom de Fardiano avec l’accent corse…C’est normal. Je ne pouvais pas laisser passer ça... J’ai eu envie de mettre en scène un film en Corse, il y a très longtemps. La vedette, c’était la Corse vue par moi. Je mettais les touristes, dans la lumière et les Corses, dans l’ombre… Mon livre préféré s’intitule « L’éloge de l’ombre », de Junichirô Tanizaki. Tenez, je suis sûr qu’on trouve ce bouquin dans la bibliothèque d’Orloff… -
Eric Cantona
Décrivez-nous comment vous voyez Alban, votre personnage…Dès la lecture, on comprend que c’est quelqu’un de dévoué, d’assez digne, avec une fêlure, une sensibilité. C’est un tueur, mais il est capable d’une grande générosité envers les gens qu’il aime, c'est-à-dire Manouche et Gu. Il a décidé de leur donner ce qu’il est. Il a besoin d’aimer, et comme il les aime, il est capable de tout pour eux, de tout leur donner, de tuer pour eux aussi.Vous lui avez imaginé un passé ?Oui, dans son rapport avec Gu jadis. Alban est comme un enfant un peu perdu, il a besoin d’être guidé. Il se dévoue, c’est sa façon de trouver sa place, il s’est choisi une famille et il se consacre à eux. C’est une mission qu’il s’est fixée. Aux yeux d’Alban, Gu ne peut pas faire mal. C’est quelqu’un de fort à ses yeux, quoi qu’il arrive. Quand Gu renonce à tuer Jo Ricci, il lui trouve tout de suite une excuse : « Moi aussi, il m’est arrivé de remettre. Il faut se sentir ». Et quand il croise Blot en retournant sur les lieux, il est fier, car il se dit : « Gu n’a pas eu peur, c’est son instinct qui lui a dit de ne pas y aller. » Il a besoin de l’admirer.Vous avez tout de suite trouvé vos marques, sur le tournage ?Le premier jour était important, parce qu’avant le tournage, on construit son personnage de son coté, et sur le plateau on va le présenter au réalisateur, on est confronté à son attente, alors quand on arrive le premier jour on est inquiet, on se demande si on est sur la bonne voie. Pour le savoir, il faut jouer. Sur ce film, il y a eu quelques ajustements et très vite, on a trouvé Alban.Que vous inspire Alban ?
Il incarne des valeurs qui me parlent. Cela dit, le milieu des gangsters fait fantasmer beaucoup de gens, mais je ne me sens pas proche de ces gens là. Ils ont beau avoir un code de l’honneur, ce sont des tueurs. Ils me fascinent, mais dans la vie je ne choisirais pas d’être de leur côté. Je n’ai pas une grande admiration pour eux. Dans la vie, ils sont bien où ils sont et moi où je suis. Mais au cinéma, cela fait de belles histoires…
Vous êtes à l’aise avec la façon de parler de ces personnages ?Ce sont des dialogues de l’époque, mais en même temps, je les trouve hyper modernes. On pourrait parler comme ça maintenant, ces mots de la fin des années cinquante, je pourrais les dire aujourd’hui.L’originalité d’Alban, au-delà de sa façon de parler, c’est aussi ce qu’il dégage…Alban, c’est une âme d’enfant dans un corps massif. Il agit avec Manouche et Gu comme un enfant avec ses parents. C’est un enfant. Il ne partira jamais et cela le blesse que Gu puisse le lui proposer. Il se sent abandonné quand on lui conseille de quitter les siens, parce que sa vie consiste à être avec eux et à se dévouer pour eux. C’est comme cela qu’il est heureux.Vous semblez prendre beaucoup de plaisir à jouer…J’aime ça. Je joue pour m’amuser, pour vibrer, pour toucher à d’autres choses. J’essaye de jouer en oubliant l’issue, en ne jouant que l’instant, le plan. Je joue à entrer dans la peau de gens que je ne suis pas. Par exemple, en jouant Alban, c’est la première fois de ma vie que je suis dévoué. Dans la vie, j’ai eu très tôt des gens dévoués à moi, plus que le contraire. J’ai peut-être un orgueil qui fait que je fuis ceux pour lesquels je pourrais me dévouer. J’ai peut-être un égo un peu surdimensionné, mais avec beaucoup d’humilité. Je ne cherche pas des gens dévoués à moi, ni des gens à qui me dévouer… Donc, en jouant Alban, je ne savais pas où j’allais. Mais j’ai connu suffisamment de gens dévoués pour pouvoir m’inspirer un peu d’eux. C’est agréable d’être dévoué, au cinéma…
Comment décririez-vous Alain Corneau ?Cet homme est une encyclopédie du cinéma. Je suis fasciné par ses connaissances. Je ne sais pas si dans le foot j’en connais autant que lui dans le cinéma… L’histoire du cinéma est plus complexe que celle du foot.
Quand on sait, quand on connait son domaine, on croit que tout est simple. Mais quand on sait moins, on écoute, et comme ça on apprend. C’est pourquoi je reste sur le plateau. J’aime observer le travail. J’aime être là, parmi les autres, avec eux, comme ça, on se sent moins étranger quand on tourne. Je regarde, j’essaye d’apprendre. Par exemple, aujourd’hui, Corneau a demandé un ralenti à 50 images secondes. En fait, il faut tourner plus d’images pour faire un ralenti. J’ai appris ça aujourd’hui. C’est important de connaitre la technique. Pour décrire Corneau, je parlerais de sa connaissance. Il maitrise la technique parfaitement, donc il est libre, et il sait exactement ce qu’il veut. Pour qu’un acteur se lâche, et accepte tout ce que le réalisateur lui dit, c’est qu’il lui fait confiance pour l’emmener là ou il faut aller. Sur ce plateau, on lui fait tous confiance. Personne ne discute. Là où il nous emmène, ce sera l’endroit où il fallait qu’on aille…
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