Carter Smith
et Christopher
Barzak
Est-ce que vous préférez adapter un roman, ou partir d’une idée originale ?
Carter Smith: Rien ne me procure un plus grand plaisir que d'être aspiré dans l'univers d’un livre. Mais adapter implique des choix drastiques. Un écrivain a tout l'espace qu’il souhaite pour explorer son histoire, alors qu'en tant que cinéaste, je dois trouver la manière scénique la plus efficace pour raconter une histoire en moins de deux heures.
Christopher Barzak: D’après moi, bien adapter un roman en film, c'est interpréter le roman d'origine et non pas le répliquer littéralement. Ayant vu le film, je me suis demandé comment vous aviez fait pour sélectionner les points de vue du roman, que vous désiriez transposer, et ceux que vous avez dû abandonner. Comment se passe ce processus de sélection?
Carter Smith: En tant que lecteur, je suis d'abord tombé amoureux des personnages que vous aviez créés. J'ai donc voulu m'assurer qu'Adam, Jamie et Gracie restent fidèles au roman. Pour moi, l'univers que vous décriviez était un personnage bien distinct – les bâtiments abandonnés, le sentiment que c'était un endroit en train de mourir. Donc, il était également important de le garder. Pour le reste, j'ai procédé par tâtonnement, et j'ai élagué peu à peu jusqu'à ce que l'histoire se concentre sur le triangle formé par Jamie, Adam et Gracie.Mouture après mouture, seules les scènes et les personnages qui faisaient avancer l'histoire sont restés.
Christopher Barzak: Le processus d'adaptation d'un roman à l'écran est forcément difficile, puisque les points de vue d'un roman peuvent différer complètement de ceux d'un scénario, techniquement parlant. Par exemple, dans un roman il y a la pensée intérieure d'un personnage alors qu’elle doit être communiquée visuellement dans un film. Quels ont été les obstacles majeurs lors de l'adaptation de "One for Sorrow" en "Jamie Marks is Dead" ?
Carter Smith: Le voyage qu'entreprend Adam dans le roman suit un chemin sinueux, mélancolique et magnifique. Le défi constant en adaptant cette histoire, c'était de trouver les moyens de montrer ce voyage tant intérieur qu'extérieur. La voix d'Adam était tellement claire, dans votre roman, que j'avais l'impression de très bien le connaître. Mais si on considère ce qu'il dit à voix haute et ce qu'il fait, on s'aperçoit qu'il passe la plupart de l'histoire à suivre plutôt qu'à mener. Et cela, c'est toujours une gageure pour un personnage principal au cinéma, mais ça rend les choix qu'il fait encore plus marquants.
Christopher Barzak: Comment vous y êtes-vous pris pour créer l'atmosphère du film? Avez-vous choisi des références imagées spécifiques dans le roman pour donner le ton ? Ou cette atmosphère joue-t-elle le rôle d'un objectif à travers lequel le roman original est tamisé, tout comme on utilise des filtres dans Photoshop ou Instagram ?
Carter Smith: L'une des choses qui m'a frappé dans le roman, c'était la netteté avec laquelle je me représentais l'histoire. J'ai besoin d'être entouré d'images quand j'écris, alors pendant que j’écrivais le scénario, j'ai pris beaucoup de photos de paysages, d'endroits abandonnés, ainsi que des clichés d'ados, pour tenter de voir à quoi "mon" Jamie Marks ressemblerait. Toutes ces photos ont formé un énorme dossier de références que je pouvais partager avec Darren (le directeur de la photo) Amy (la directrice artistique) et Mike (le maquilleur).
Christopher Barzak: Y a-t-il eu un passage dans le livre, ou un personnage ou une image, qui a allumé l'étincelle et vous a donné envie de l’adapter ?
Carter Smith: Probablement le passage où Adam s'allonge là où on a trouvé Jamie. Je me souviens en être resté bouche bée. C'était une surprise totale mais curieusement, ça avait aussi beaucoup de sens. Dès ce moment là, j'ai commencé à voir et à entendre l'histoire tout en la lisant. Trois mois plus tard, je pensais encore à Adam, Jamie et Gracie. J'ai compris que je devais en faire un film.